Hôtel Beauregard, Thomas Clavel contre la tyrannie sanitaire

Pauvre Axelle ! Jeune thésarde qui ne demande rien à personne, juste un peu de temps pour étudier ses méduses tranquillement. Mais elle va commettre un crime : poser sur une photo de groupe sans porter son masque. Dans la dictature sanitaire qu’est devenue la France au quatrième confinement, elle devient le symbole des ennemis du sacro-saint tout-sanitaire. Et la voilà plongée dans un monde où le Big Brother que sont devenus les réseaux sociaux s’acharne par followers interposés. Axelle, de toutes, était celle qui était le moins faite pour résister. C’est pour cela que Thomas Clavel en fait l’héroïne de son roman, Hôtel Beauregard, agaçant de réalisme et, pour cette même raison, angoissant.

Des visages, des figures

Tu comprends, tout ce bordel, c’est le test, le Grand Test avant le Grand Reset ! Pour qu’ils sachent si les gens ont atteint un degré suffisant de docilité ! Et c’est bien ça qui les rend horribles, les gens : la soumission. La soumission est sa grande sœur : la peur ! Car quand t’as fait croire à tout un peuple qu’il est en danger de mort, tu vois, tu peux en faire c’que tu veux, ça c’est sûr c’est limpide.

Bas Les Masques, les BLM, sont la résistance. Traqués, honnis, ils sont une menace pour cette société nouvelle qui voile les visages et impose à tous, tout le temps, mais dans sa vie privée, les fameux « gestes barrières ». Il faut que chacun vive cette dictature sanitaire dans la joie et l’obéissance. Pire, cela est devenu comme un geste naturel, cette burqa faciale qui détruit l’homme.

Car l’obligation du port du masque engendre à la fois une recrudescence des violences urbaines (qui avance masqué est protégé des caméras…) mais aussi une grave crise existentielle, car l’absence de visage créé une population de fantômes, sans identité. Il y a dans Hôtel Beauregard une belle étude sur l’importance du visage, qui montre à autrui qui l’on est. Et si le titre parle d’un beau regard, c’est que c’est d’abord un lieu — certes résiduel, malheureusement — de liberté et de paix.

le havre de paix

Comme dans un Traître mot, Thomas Clavel ne fait rien que pousser un peu la réalité pour lui permettre de faire advenir son pire potentiel. Et le pire, dans l’humanité, c’est encore ce dont on est sûr. Alors imaginez que le gouvernement demande à la blogueuse du moment de mettre sa communauté au service des gestes barrières. Une manière d’ambassadrice. Mais qui va vite perdre tout contrôle et non plus simplement appeler à la délation, mais aussi à effacer le visage de ceux qui osent se montrer sans masque (FFP2, s’entend). Et les petits bras armés de la dictature tout servilement se mettront du côté du « Bien » pour frapper…

Hôtel Beauregard est roman brillant et qui ne cesse de dérouter — sauf les âmes contaminées au déni. C’est une dystopie tellement proche de nous qu’on s’en effraie, comme si l’on pouvait reprocher à Thomas Clavel son excès de lucidité sur le monde tel qu’il devient.

Loïc Di Stefano

Thomas Clavel, Hôtel Beauregard, La nouvelle Librairie édition, février 2021, 218 pages, 14,90 eur

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