« Black Magick, tome 1 », flic ou sorcière ?
Dans ce tome 1 de Black Magick, Greg Rucka pose les bases d’un comics qui mélange policier et sorcellerie. Le tout servi par les splendides dessins d’une Nicola Scott en forme. Une série qui s’annonce d’ores et déjà comme incontournable si on aime les héroïnes fortes.
La police de Portsmouth compte dans ses rangs un agent aux talents très particuliers. Rowan Black est une sorcière et ses pouvoirs lui permettent de résoudre certaines enquêtes compliquées. Une nuit, pendant qu’elle accomplie un rituel magique, Rowan est interrompue par un appel du commissariat. Elle doit intervenir en urgence sur une prise d’otages. La seule demande du criminel ? L’échanger contre la vie des otages. Rowan accepte mais comprend rapidement qu’il connaît sa véritable identité. Que veut réellement le preneur d’otages ? S’agit-il vraiment d’un piège ? Et comment cet homme connaît-il son vrai nom ?
Black Magick Woman
Greg Rucka, le scénariste de Black Magick, s’est fait une spécialité d’écrire des comics mettant en scène des héroïnes fortes. Les personnages féminins, Rucka les collectionne : Rowan Black succède ainsi à Carrie Stetko (Whiteout), Renee Montoya (Gotham Central), Wonder Woman (Hiketeia, puis son run sur la série régulière de l’amazone) ou encore récemment Forever Carlyle (Lazarus). Je craignais à la lecture de son pitch que Black Magick ne ressemble trop à Witchblade. Mais dès les premières cases, Greg Rucka dresse subtilement le portrait d’une jeune femme étonnante. Rowan se trouve en quelque sorte à la frontière entre deux mondes : celui des hommes (le commissariat) et celui des femmes (le culte wiccan). Il n’en fait pas une simple bimbo armée d’un flingue. Greg Rucka va apporter autant de soins à détailler une procédure policière que la préparation d’une potion, par exemple. Avec pour résultat une histoire intéressante et originale.
Un noir et blanc réussi
Dans Black Magick, la colorisation donne le sentiment d’avoir été faite à l’aquarelle, tout en nuance de gris. Le rendu général s’éloigne donc énormément de ses travaux sur Earth-2 ou même Wonder Woman. Un choix que la dessinatrice Nicola Scott assume pleinement : « je veux que mes planches ressemblent à un artefact, qu’on puisse voir la texture de l’encre et du papier ». Mais à bien y regarder, tout n’est pas en nuances de gris. Nicola Scott et son assistante, Chiara Arena, distillent quelques touches de couleurs pour souligner un élément de l’intrigue, attirer l’attention sur certains indices. L’irruption des couleurs permet aussi de renforcer le côté spectaculaire de la magie, avec des effets de couleurs réussis.
Du procedural au thriller occulte
Black Magick semble commencer comme un procedural : vous pourriez imaginer que les enquêtes de Rowan Black vont se succéder les unes aux autres. Que tout le côté sorcellerie n’est qu’un décorum. On n’échappe pas non plus à certains clichés du genre polar : l’investigation sur les lieux du crime, l’autopsie de la victime, le briefing au commissariat, etc. En réalité, Greg Rucka développe une intrigue surprenante, il déploie un fil rouge dans lequel la sorcellerie prend beaucoup plus de place qu’on ne l’imaginait au départ. Dans Black Magick, l’héroïne est au final beaucoup plus une sorcière travaillant dans la police, qu’une policière qui utilise ses dons occultes pour résoudre ses enquêtes. Greg Rucka rend parfaitement l’aspect « société secrète » de son groupe de sorcières. Rowan est agent de police, son amie est institutrice, bref des personnes bien intégrées dans la société. La prise d’otage du premier épisode n’est que le premier engrenage d’une vaste machination qui implique des chasseurs de sorcières et même des créatures d’autres dimensions. C’est ce qui fait le charme de Black Magick, ce glissement progressif vers finalement ce qu’on n’imaginait pas forcément à la lecture du pitch. Autant vous dire que j’ai hâte de lire la suite.
Stéphane Le Troëdec
Greg Rucka (scénario), Nicola Scott (dessin), Black Magick, tome 1 – Réveil, traduit de l’anglais par Alex Nikolavitch, Glénat Comics, janvier 2018, 160 pages, 17,50 euros