« Big John Buscema », la légende de Marvel
Retour sur une légende de la bande dessinée américaine, John Buscema, à l’occasion de la publication d’un ouvrage indispensable à tous les amateurs de comics et de Marvel.
De Timely Comics à Marvel
Ce matin d’avril 1948, au 14ème étage de l’Empire State Building où se situent les locaux de l’éditeur Timely Comics, Stan Lee épluche son courrier. Parmi les courriers administratifs habituels, une enveloppe attire son attention. L’expéditeur a noté son nom d’une écriture fine et appliquée : Giovanni Buscema. Ce dernier répond à une offre d’emploi comme dessinateur. Stan Lee saute sur l’occasion : il lui faut désespérément un artiste pour illustrer les comics de la firme.
Westerns, histoires sentimentales ou crime comics, « John » Buscema, comme on le rebaptise, met son talent au service de Timely Comics. Gene Colan, un de ses collègues du « Bullpen » comme aimait l’appeler Stan Lee, se souvient : « John n’avait jamais l’air heureux… On avait l’impression qu’il ne faisait jamais vraiment ce qu’il voulait ». Sans grande passion, donc. L’aventure dure environ une année et demi avant que Timely ne ferme ses portes.
L’histoire aurait pu s’arrêter là, John Buscema s’en allant travailler dans une agence de publicité. Mais le coup de crayon de l’artiste n’a pas échappé à Stan Lee. En 1966, il va chercher John Buscema à l’agence Chaite et le convainc de travailler pour Marvel. Un choix qui va changer sa vie et le destin de la Maison des Idées. Car après Jack Kirby, John Buscema est sans doute l’illustrateur le plus populaire et influent de l’histoire de Marvel. John Buscema EST Marvel par sa fougue, sa technicité, et son énergie.
John Buscema ou l’incarnation de Marvel
Au fil de sa très longue carrière, John Buscema va dessiner toutes les vedettes de Marvel. Nick Fury, Hulk, Spider-Man, Wolverine, les Quatre Fantastiques, etc. La liste est trop longue. Dans ses éclairs de génie pur, il fait des merveilles. Lorsque l’androïde Vision pleure dans les pages d’Avengers, les lecteurs ne sont pas loin d’avoir eux aussi les larmes aux yeux. Quand le Silver Surfer s’envole dans le cosmos infini, il embarque avec lui des milliers de gamins. Mais l’artiste préfère la fantasy à l’espace : « Finalement, le seul personnage avec lequel je me sente à l’aise est Thor, et ce en raison d’Asgard. Tant que j’ai pu exploiter cet aspect du personnage, j’étais heureux. Mais le jour où ils ont décidé de le faire venir sur Terre, il a perdu toute sa saveur et son panache. »
Buscema le Cimmérien
Il lui reste alors un ultime coup de génie graphique à écrire. Celui qui va finir d’installer Buscema en légende de la bande dessinée américaine. En 1973, Marvel confie à John Buscema l’adaptation de Conan le barbare, accompagné par Roy Thomas au scénario. Sous ses crayons, le Cimmérien de Robert E. Howard gagne en puissance et en sauvagerie. C’est bien simple : le Conan de Buscema devient la référence, le canon, l’image qui surgit immédiatement à l’esprit de chacun quand il parle du personnage.
En 2009, la ville espagnole de Palma présentait une des plus riches expositions consacrées à John Buscema. Big John Buscema est la traduction en français du catalogue de l’exposition. Pour rendre hommage comme il se doit à l’artiste, il fallait un ouvrage d’exception. C’est chose faite ! Ces 328 pages regorgent littéralement de croquis, de planches et de couvertures originales couvrant toute la carrière de l’artiste, avec une petite préférence (il faut l’avouer) pour sa période Avengers et sa période Conan. S’en plaindra-t-on ? Non, évidemment. Surtout que les reproductions sont de toute beauté, sur un papier de qualité.
Stéphane Le Troëdec
Big John Buscema, édité par Urban Comics (septembre 2017), collection Urban Book, 328 pages