« The Unwritten » ou quand le comics réfléchit la littérature
The Unwritten est un comics à part dans la production actuelle, presque un accident industriel. Une œuvre unique et ambitieuse à laquelle tout lecteur de BD, tout lecteur tout court, DOIT s’intéresser. Attention, classique instantané !
La vie de Tom Taylor est un cauchemar. Son père a imaginé une série de livres de fantasy et s’est inspiré de son fils pour créer son héros. Seulement son père a insufflé énormément d’éléments de la vie réelle de son fils pour créer un ersatz de Harry Potter devenu très populaire. Dans le dernier livre, son père « révèle » que Tom Taylor le héros entre dans le monde réel. Ces romans sont à la fois une bénédiction et une malédiction pour Tom : d’un côté, ils lui assurent une confortable rente, de l’autre, il est en permanence harcelé par les fans des romans de son père.
Mais un jour, pendant une convention, une mystérieuse jeune femme lui apporte la preuve qu’il est bien un personnage de fiction perdu dans notre monde…
Une enfance volée
Mike Carey explique ainsi les origines de The Unwritten : « Ma principale inspiration m’est venue de l’autobiographie de Christopher Milne – un garçon connu pour être le Christopher Robin des livres de Winnie L’ourson. Milne a grandi avec le sentiment que son père lui a volé son enfance, en profitant de lui pour gagner de l’argent (…). Quand nous faisons sa connaissance, notre Tom lui ressemble beaucoup, même si nous avons poussé sa crise identitaire bien plus loin. »
The Unwritten, une histoire pour les englober toutes
Ces 12 premiers épisodes de The Unwritten s’avèrent particulièrement ambitieux : ils relient dans une méta-intrigue un bon nombre de classiques de la littérature classique. Mike Carey écrit une histoire qui parlent des histoires, de leur force et surtout de l’influence qu’elles peuvent avoir sur nos vies. The Unwritten brasse très grande variété d’intrigues. Évidemment, Frankenstein de Mary Shelley est une des références principales puisque The Unwritten explore largement les relations entre une créature et son créateur. Mike Carey cite ouvertement des textes aussi variés que Moby Dick d’Herman Melville, Histoires comme ça de Rudyard Kipling, la Chanson de Roland, ou Gilgamesh. C’est bien simple, il faut un lexique en fin d’ouvrage pour lister toutes les œuvres abordées. Sans compter les références à Lewis Carroll, qui devraient intéresser tous les lecteurs d’un site s’intitulant Boojum…
Une complicité synonyme de richesse
Mike Carey a déjà collaboré avec le dessinateur Peter Gross sur la série Lucifer. Et il faut croire que ces deux-là se sont bien entendu. Leur connivence, et leur bonne relation avec le responsable éditorial, leur a permis d’avoir une grande liberté artistique. Si bien que The Unwritten ne ressemble à aucun autre comics. Peter Gross a les coudées franches pour illustrer les ambitions narratives de Mike Carey et développe un univers graphique original. Son style est toujours en parfaite adéquation avec son sujet et pourtant la palette d’ambiances abordées est vaste. Enfin, Peter Gross assure une narration particulièrement ambitieuse, mais surtout intelligible avec pourtant plusieurs niveaux de lecture.
Cette série comprend au total 54 épisodes principaux (plus 12 épisodes d’un spin-off sous-titré « Apocalypse »). La précédente édition française n’avait pas été jusqu’au bout de la saga. Cette réédition chez Urban Comics tombe donc à point nommé. Mon conseil : ne manquez surtout pas The Unwritten.
Stéphane Le Troëdec
Mike Carey (scénariste), Peter Gross (dessinateur), The Unwritten, tome 1 – Entre les lignes, Urban Comics, collection Vertigo Essentiels, octobre 2017, 328 pages, 28,00 euros
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