Manger Bambi, tout ce qui brille tue aussi

Une double casquette

D’origine belge, Caroline De Mulder est à la fois universitaire (elle a ainsi publié des essais comme Libido sciendi en 2012) et écrivain. Dès 2010, elle publie Ego Tango (Champ Vallon, 2010), roman consacré au milieu du tango parisien, qui remporte le prix Victor-Rossel. En 2018, c’est Calcaire, paru lui chez Actes Sud, qui remporte à son tour une distinction, le Prix Auguste-Michot. Manger Bambi est son cinquième roman, publié cette fois-ci dans la collection « La noire » de Gallimard.  

La ballade meurtrière d’une gosse perdue

D’instinct, elle recule, le Sig Sauer caché dans le dos. Elle est toute menue et ravissante, et maquillée à faire peur. Des yeux avec des peintures de guerre et des couleurs de tranchée et de boue dévorée, mais un visage en cœur, des arêtes fines. Elle porte un jean slim et marche pieds nus. 

Avec ses copines Leïla et Louna, la jolie Bambi a trouvé un moyen simple de se faire de l’argent : elle appâte des hommes à la recherche de chair fraîche sur un site de speed dating et leur vole leur argent, leurs montres, tout ce qui est monnayable et bonjour les belles fringues et les rêves de vacances au soleil toute la vie.

Il faut dire que Bambi n’a pas une vie facile : un père parti (mais qui a laissé comme héritage son Sig Sauer), une mère alcoolique qui ramène des paumés et puis le bahut… Mais la jeune fille ne se laisse plus faire et ira jusqu’au bout de son rêve… jusqu’à ce qu’il devienne un cauchemar ?  

La revanche des femmes ?

En lisant Manger Bambi vient à l’esprit le souvenir de Baise-moi de Virginie Despentes. Les deux œuvres sont comparables dans la mesure où l’on voit des femmes s’approprier une violence qui était jusqu’ici l’apanage des hommes, surtout dans le polar auquel Manger Bambi emprunte bien des thèmes. Ici c’est une jeune fille qui se venge des hommes (aucun n’est ici décrit de manière positive), de son père, de la société, de tout.

Manger Bambi est une satire violente et en colère qu’a livré Caroline De Mulder. On en sort pas indemne.  

Sylvain Bonnet

Caroline De Mulder, Manger Bambi, Gallimard, « La Noire », janvier 2021, 208 pages, 18,50 euros  

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