88, Pierre Rehov aux racines du Mal

Pierre Rehov nous avait estomaqué avec Ted, roman en deux lignes narratives : USA et Russie. Avec 88, il poursuit sur ces deux lignes mais en ajoute une troisième, un panislamisme dont l’épicentre serait en Indonésie. Quel est le point commun entre ces trois lieux et ces trois cultures ? Le retour d’un messie, terrible et pour cette fois-ci régner sur la terre entière…

L’incarnation du Mal

Le Mal, tel un phénix des ténèbres, renaissait toujours de ses cendres.

Tout juste revenue d’une mission au Kurdistan irakien, Melany est convoquée pour une mission spéciale : infiltrer un groupuscule néonazi américain. Au-delà du folklore malsain, dont un musée dédié à Adolf Hitler, elle y trouve ce qu’elle craignait : le signe d’un ralliement à une cause plus grande, comme une internationale du Mal. Parce qu’elle est mise au repos forcé, elle décide de mener seule son enquête. Et elle embarque pour la Russie, où des archives secrètes dévoileraient une ambition d’immortalité et de réincarnation d’Hitler. Avec son compagnon, elle va y chercher un lien entre tous ces fils : Russie, Allemagne, nazisme, Amérique, services secrets, et d’autres fils encore qui s’entretissent dans un récit incroyable. Et remonter au délire le plus fou : la résurrection du mal.

A l’origine, les maîtres mystiques d’Hitler et de ses comparses étaient remontés à une œuvre ésotérique tibétaine. Son pouvoir ? Désigner l’héritier. Et si ce pouvoir pouvait servir à un illuminé islamiste pour se faire désigner lui-même ? Financé par une ONG allemande, son groupuscule indépendantiste indonésien devient surpuissant et entre en guerre ouverte contre le gouvernement. Mais comment cette folie rejoint-elle la quête de Melany ? Il faut ajouter aux précédents liens ceux-ci : Indonésie, tantrisme, islamisme. A chaque nouvelle élément, tout le roman 88 est réorganisé et toujours avec la même maîtrise et la même cohérence.

Un maître-roman

Pierre Rehov manie la matière sulfurique avec une aisance incroyable. Son intrigue ne souffre d’aucun temps mort et il y a cette attente d’une révélation qui pousse le lecteur à dévorer page après page.

Pour qui n’a pas une connaissance historique des faits, notamment des accords entre les nazis et les islamistes, du secret des archives russes, de l’enthousiasme musulmans à la cause nazi, tout cela peut paraître bien difficile à croire. Et pourtant ! 88 est un récit toujours juste, fondé sur une connaissance précise de chacun des mouvements et de leurs liens, ainsi que des arcanes du nazisme comme voie occulte. Et la passion toujours intacte de voir reparaître un homme fort pour diriger le monde.

88 est un immense roman, par la somme des données qu’il brasse, par la qualité de ce brassage et par le souffle épique qui jamais ne perd d’intensité.

Loïc Di Stefano

Pierre Rehov, 88, Cosmopolis, 442 pages, 19,95 eur

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