Les déracinés, adaptation du roman de Catherine Bardon

Philéas est une jeune maison d’édition qui s’est donnée comme objectif de publier des adaptations de romans. Le catalogue, d’abord orienté vers le polar s’ouvre à la littérature blanche. Catherine Bardon y adapte son propre roman Les Déracinés, ce qui ouvrira un nouveau lectorat à son roman à succès.

L’illusion de la fuite

Sinon j’ai appris que Freud allait émigrer à son tour ! Zweig, Beer Hofmann, Musil, Broch et maintenant Freud ! Au rythme où vont les départs et les suicides, l’intelligentsia viennoise ne sera bientôt plus qu’une lointaine légende qu’on se racontera au coin du feu !

L’ambiance chaleureuse et enchantée de ces belles années 30 en Autriche s’assombrissent à mesure que la deuxième guerre mondiale se rapproche. L’Allemagne devient toute puissante et les juifs sont au cœur des préoccupations du nouveau gouvernement. Ils se sentent menacés par Hitler et ses relents antisémites même s’ils ont envie de poursuivre leur vie malgré cette hostilité plus que tenace.

Nous sommes à Vienne en 1935 où un nouveau couple juif se forme, Wilhem et Almah. Lui est journaliste culturel, il n’est pas inquiété au début mais ils se rendent compte que fuir est inéluctable pour survivre libre en tout cas vivant. Les représailles se suivent, l’incertitude s’accroit.

Leur seule échappatoire sera la fuite jusqu’à la République Dominicaine où des compatriotes ont formé en communauté un nouveau village isolé de tout et de tous. Mais s’il faut de la volonté pour bâtir un nouveau futur, il faut aussi laisser derrière soi une vie, une famille, une histoire. La nouvelle génération sera à l’abri de toute inquiétude, mais pas de nouvelles difficultés.

Fuir l’ignominie

Le choix de la vie ou de la mort a été tant de fois romancé ou retranscrit d’histoires véritables. Il ne nous sera jamais possible de l’imaginer dès lors que nous habiterons dans un pays où nous sommes protégés par les lois. Le destin de ce couple est incroyable, dramatique et éphémère avec de si violents rebondissements qu’il en devient éprouvant.

Réduire plus de 600 pages en une centaine est toujours hasardeux excepté quand vous adaptez vous-même votre roman. Catherine Bardon le fait à merveille. Nous suivons les péripéties d’un pays et de ce jeune couple avec intérêt. La difficulté de se reconstruire et de vivre avec ses souvenirs. Le dessin de Winoc est tout en douceur, en retenue et sans dramaturgie excessive. L’ambiance est malgré tout sous tension, pour bien témoigner, par les visages et expressions, des horreurs dont les acteurs sont témoins. 

Nous attendons la suite de cette adaptation avec impatience !

Xavier de la Verrie

Catherine Bardon (auteur) & Winoc (dessin), Les Déracinés, Philéas, janvier 2021, 112 pages, 18,90 eur

Catherine Bardon connaît le succès dès son premier roman, Les Déracinés. C’est le premier tome d’une fresque romanesque qui comptera L’Américaine, Et la vie reprit son cours, pour s’achever avec Un invincible été (à paraître, avril 2021). Tous les romans sont parus au catalogue de Les Escales puis en poche chez Pocket. Plus de 300 000 lecteurs ainsi que plusieurs prix littéraires ont fait le succès de cette histoire bouleversante.

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