Combattre, punir, photographier : les images de la colonisation

Historien de l’expansion coloniale européenne  

Daniel Foliard est Maître de conférences en civilisation britannique à l’université Paris-Ouest. Il concentre ses recherches sur la façon dont l’image, cartographique ou photographique, a accompagné l’expansion de l’influence européenne durant le XIXe siècle et au début du XXe siècle. On lui doit notamment un livre, paru en anglais et non traduit à ce jour, sur les liens entre la cartographie britannique et l’invention du Moyen-Orient : Dislocating the Orient : British Maps and the Making of the Middle East, 1854-1921 (Chicago University Press, 2017). En septembre dernier, il a publié dans la collection « histoire-monde » dirigée par Pierre Singaravélou Combattre, punir, photographier. La couverture, choc, montrant une petite fille française avec des crânes autour d’elle, donne le ton…

Image et violence coloniale  

A la base de cet ouvrage, il y a une masse de documents considérable amassée durant les années 1890-1914 : des photographies et des lithographies représentant des morts, des prisonniers, voire des charniers, prises lors des guerres coloniales menés par les français et les britanniques. Certaines de ces photos étaient publiés dans la presse de l’époque (parfois pour condamner ces violences). D’autres étaient rassemblées dans des dossiers administratifs. Et quelques-unes finissaient dans des albums conservés par les familles des soldats. Elles disent beaucoup de choses sur la manière dont cette expansion se fit, par le fer et par le sang. Elles évoquent aussi les photographies prises, dans un autre contexte par Matthew Brady lors de la guerre de sécession : jamais on ne vit autant de corps meurtris, brisés, morts, jusqu’à la colonisation. Les passages consacrés ici par exemple à Madagascar sont édifiants.  

Une lente acclimatation à la violence des images  

L’histoire coloniale a été longtemps une Atlantide engloutie, quelque chose que le grand public et les historiens ont longtemps négligé et qui est maintenant, on le voit avec l’Algérie et le récent rapport de Benjamin Stora, un sujet de polémiques.

On ne souscrira pas d’emblée à tous les présupposés de l’auteur. Mais on se doit ici de souligner à partir de son étude que ces images, dont l’effet déshumanisant est manifeste, ont aussi constitué pour le grand public qui les découvrait une « acclimatation » : quelques années plus tard, ce grand massacre de masse qu’est la Grande Guerre éclate, avec son cortège de morts, de mutilés et une production d’images sans précédents.  

Combattre, punir, photographier est un ouvrage qui fait réfléchir.      

Sylvain Bonnet  

Daniel Foliard, Combattre, punir, photographier (empires coloniaux 1890-1914), La découverte, septembre 2020, 380 pages, 23 eur

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