L’œil du STO, hommage émouvant des oubliés du STO


Un long travail d’enquête a permis de révéler magnifiquement, dans le beau roman graphique LŒil du STO, l’histoire dont on parle peu. La plupart des hommes se sont tus avec leurs secrets. Et le sujet n’a que peu inspiré, quelques rares films comme Le Passage du Rhin avec Charles Aznavour.

Cruel dilemme pour un jeune en 1943 qui se résumait en deux questions : partir contraint faire le Service du Travail Obligatoire en Allemagne ou être résistant pour sauver la France.

Je ne sais plus quoi écrire à Renée. Je sais même pas si elle comprend que mes lettres sont censurées.

Souvenirs du STO

A l’approche de la retraite Justin se souvient d’un épisode douloureux de sa vie. Doit-il compter ou non l’année passée au STO ?

Il se retrouve projeté en 1939, à se remémorer la vie insouciante qu’il avait où il comptait fleurette à une charmante Renée. La France entre en guerre et tombe rapidement sous le joug allemand. Sa vie de serveur dans le bar familial ne va pas s’arranger. Le quotidien devient dur mais pas autant que celle qui l’attend. Car en 1943, à 20 ans, il est réquisitionné par le gouvernement de Vichy et envoyé en Allemagne pour le STO. Trois initiales qui vont lui coller à la peau toute sa vie : le Service du Travail Obligatoire.

Et comme des centaines de milliers de français il se retrouve dans un camp employé pour un salaire de misère dans les usines pour remplacer les allemands partis au combat.

Près d’une année de douleur, de conditions spartiates, de travaux plus ou moins forcés. Mais le plus éprouvant pour lui est la distance qui le sépare de sa Renée. Il réussit à s’évader et retrouve la France en restant caché chez elle. Il y attend la fin inexorable de la guerre.

L’emprise que revêt sur lui ce souvenir, qui correspond à de la honte, l’empêche tout oubli. Car pour une frange de la population, avoir été un STO est assimilé en quelque sorte à être un « collabo ».

Pour les amateurs d’histoire imagées et non imaginées

Je ne dis pas qu’il faut tout illustrer pour vulgariser. Mais se baser sur des faits historiques pour témoigner et faciliter la lecture est toujours souhaitable, surtout quand des doutes persistes. Voire des incompréhensions.

La guerre est toujours un traumatisme. Nombre de jeunes français ont subis pendant cette guerre ce qui est clairement explicité dans L’Œil du STO.

Le dessin noir et blanc sans fioriture est énormément centré sur la vie des personnages, les hommes et femmes, les militaires. La vie sous toutes les coutures. Surement pour se concentrer sur l’histoire et faire fi des détails.

Dédicace à mon grand-père Pierre

Il a fait partie des STO. Peut être mieux loti que d’autres mais mon grand-père a passé près d’un an en Allemagne. Il nous en a toujours parlé en nous disant quelques mots d’allemands qui lui restait. Toujours ses bons souvenirs, la vie à la campagne… Il avait eu la chance d’être envoyé travailler dans une ferme, lui l’homme du terroir était moins perdu. Il nous a certainement occulté les difficultés rencontrées, les souffrances. Notamment d’avoir laissé sa femme et ses enfants, mon père notamment, qui n’avait que quelques mois. 

Sa femme Geneviève, ma grand-mère, a dû prendre sur elle et certainement gagner ce tempérament de femme à poigne pour combattre la solitude elle aussi. Mais surtout devoir gérer l’exploitation familiale, le bétail, les céréales, les vergers et les vignes laissée entre ses mains.

Je ne peux m’empêcher de retrouver un peu de mon histoire familiale et personnelle dans ce très beau roman L’Œil du STO. Et j’en remercie les auteurs.

Xavier de la Verrie

Julien Frey (scénario), Nadar (dessin), L’Œil du STO, Futuropolis, février 2020, 200 pages, 24 eur

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