Chez Paradis : sous les pavés de l’enfer

Une première

Auteur de Révolution (Albin Michel, 2017) et de Fin de siècle (Gallimard, 2020), aussi scénariste et auteur de romans pour la jeunesse, Sébastien Gendron… Eh bien on ne le connaît pas ici, preuve que personne n’est personne (Billy Wilder, Certains l’aiment chaud). Donc, Chez Paradis constituera une première, cher lecteur, et pas de risque que le critique soit décoiffé car il n’a plus ses cheveux depuis longtemps.

La vengeance est-elle comestible ?

« C’est l’histoire de Maxime Dodman.

C’est l’histoire d’un petit gabarit, un presque-frêle. Le costume en viscose marron deux tailles au-dessus. Dans les années 80, c’est la mode de l’épaulette. Femme, homme, caissière, Grace Jones ou convoyeur tout le monde a la silhouette d’un cédez-le-passage.

Dodman a sans doute eu du piston pour intégrer la Korso qui prétend n’engager que du personnel toisé à 180 kilomètres, en pleine jeunesse et physiquement prêt à tous les coups de force. »

Fin des années 80, Maxime Dodman participe à un braquage et se retrouve à un tirer sur un jeune qui passait par là, pour ne pas laisser de témoin. Il s’agit de Thomas Bonyard. Trente ans plus tard, ce dernier hante les routes sur sa moto. Il lui manque un œil, une infirmité qu’il cache avec une prothèse. Il a un but dans la vie : retrouver le salaud qui lui a fait ça. Lorsqu’il débarque au garage « Paradis », il retrouve Max Dodman, vieilli, moche et gras. C’est pire encore avec sa femme Marie-Louise qui fait des trucs louches avec son chien. Dodman tient aussi un motel,un refuge pour de médiocres pornocrates qui exploitent des filles comme la jeune roumaine Magda. Tout le monde y trouve son compte, surtout le maire qui veut persuader des investisseurs asiatiques de cracher du blé pour revitaliser une région qui a besoin de filles faciles pour les amadouer. Sauf que… Rien ne va se passer comme prévu. Pas sûr que Thomas ait sa vengeance.

C’est crade, c’est punk, c’est noir

Chez Paradis décoiffe les chauves, Sébastien Gendron a beaucoup d’humour et les situations sont… Mieux vaut en rire au fond. Passons sur certaines scènes à la coloration zoophile qui frapperont l’imagination de certains. Le roman dresse le portrait d’une humanité sur le retour, proche de la fin (l’apocalypse approche mes amis, relisez Saint Jean même si vous êtes athée), sans parler d’une crise sociale qui ranimerait bien la lutte des classes… Sauf qu’il n’y a plus de PCF. Bref, un roman dur, parfois extrême, mauvais goût assumé et cinéphilie revendiquée. Au fond, on adhère car c’est un roman de notre temps.

Sylvain Bonnet

Sébastien Gendron, Chez Paradis, Gallimard « Série noire », mars 2022, 368 pages, 19 euros

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