J.M.G. Le Clézio par Gérard de Cortanze
Écrivain, directeur de la collection Folio biographies, membre de l’Académie Royale de langue et de littérature française de Belgique, auteur de plus de soixante-dix livres traduits en ving-cinq langues, Gérard de Cortanze consacre un livre magistral à l’œuvre et à l’écrivain J.M.G. Le Clézio, prix Nobel de littérature. Un livre conçu à partir de longues conversations, d’extraits de l’oeuvre, de traces, au détour de plusieurs étapes d’une vie et de plusieurs dizaines d’ouvrages, afin de découvrir l’œuvre, de soulever le voile. Une magistrale quête, à ne pas manquer…
J.M.G. Le Clézio est entrée dans la littérature française, comme il est né à Nice, par le plus pur des hasards. « Ma mère est descendue à Nice au moment de l’invasion allemande afin d’aller chercher ses parents. Je suis né là par accident. » À moins que le hasard n’existe pas ! De Nice d’ailleurs, il ne retiendra rien de bon, cette ville aux bords de la mer Méditerranée, plus violente et anxiogène qu’elle n’y paraît, où il ressentit souvent le sentiment d’y étouffer, « dans cet enfer de palmiers, et de villas rococo ». Mais, la mer, c’est aussi « le désir de voyage, l’envie et le besoin de quitter la grande ville dont on ne voit jamais la fin ». Ce sera pourtant le théâtre de ses premiers romans.
Puis, à huit ans, il partira à l’île Maurice à la rencontre de son père, ce
jeune écolier qui ne (le) connaissait pas encore, et qui ne savait pas qu’il allait devenir ce passeur de mots dépassé par les mots, traversé par eux, […] ces mots qui le définissaient et avec lesquels il commençait de jouer… Bientôt une certitude s’installerait, qui ne le quitterait plus, qu’il emporterait avec lui à Ogoja et au Darien, à Jacona et à Albuquerque, à Nice et en Bretagne : “Pour moi, l’homme n’est qu’une transition.” »
Partir
Très tôt, donc, il lui faut partir. Partir, oui, « mais où ? » demande-t-il. C’est cela la vie de Le Clézio ! C’est cela son œuvre ! Partagé entre Nice, la Bretagne, le Mexique, l’île Maurice, Rodrigues, Paris, Le Clézio est sans topos, sans lieu à être. Tel que l’écrit Gérard de Cortanze, « J.M.G. Le Clézio n’est donc pas un voyageur au sens où l’on l’entend habituellement. Plutôt un homme qui cherche sa place dans l’univers, un être humain qui essaie d’apprendre à vivre en être humain, un passeur qui se déplace sur les sentiers de la terre comme il se déplacerait en lui-même ».
Il y a plusieurs périodes dans l’œuvre de Le Clézio, d’abord celle des révoltes et des visions, celle où il dénonce les aliénations et les folies modernes, puis celle plus apaisée du désert, et de l’enfance-roi, enfin, la dernière, celle que l’on pourrait nommer l’autobiographique. Il y aura bientôt la consécration, avec le prix Nobel, et une œuvre immense, colossale, que Gérard de Cortanze entreprend d’analyser, de décrypter, d’en soulever quelques pans du voile, dans ce livre qui fait date, qui, sans nostalgie, sans banalité rend hommage à un écrivain-voyageur, explorateur et singulier, qui devint écrivain, car, tel qu’il l’a dit, écrit « pour essayer de savoir d’où il vient, d’où il est, ou pour laisser des traces ».
Un essai biographique en forme de quête nomade qui est l’un de ces très simples livres qui emportent l’immédiate conviction, que nous sommes faces à un écrivain rare et précieux, et que son œuvre, difficile et rugueuse, ne se laissera pas dévoiler à la première lecture, ni même par des lecteurs par trop superficiels.
Marc Alpozzo
Gérard de Cortanze, J.M.G. Le Clézio, Le nomade immobile, Gallimard, « Folio » , octobre 2017, 368 pages, 7,80 euros