« Vice » le biopic sur le vice-président des USA Dick Cheney

VICE

Rencontre avec le réalisateur Adam McKay

Dick Cheney fut la quintessence de l’homme politique américain (notion que l’on peut sans difficulté étendre au reste du monde). Fourbe, ambitieux, calculateur, manipulateur, il a gravi un à un les échelons jusqu’à accéder à la vice-présidence des États-Unis. Sous sa poigne, cette fonction a pris une toute autre importance et l’on peut dire que Cheney fut le Richelieu de la Maison-Blanche, notamment lors des attentats du 11 septembre… Après avoir démonté les mécanismes de la finance américaine (The Big Short : Le Casse du siècle – Oscar du meilleur scénario original), Adam McKay dévoile les coulisses de la politique. Ce n’est pas beau à voir mais c’est passionnant à regarder. Vice a récolté huit nominations pour les prochains Oscars. Dont celle du meilleur film. Il y a des vices sur lesquels il est bon de se pencher.

Entretien

Au début du film, vous affirmez que Dick Cheney est un personnage très secret. Comment avez-vous trouvé vos renseignements ?

Nous avons commencé par lire tout ce qui le concernait, autant les livres que les articles de presse, et par visionner toutes ses interventions filmées. Puis nous avons envoyé notre propre équipe de journalistes enquêter auprès de personnes l’ayant approché, qui nous ont raconté tout ce qui n’est pas officiel.

Du temps où il était en place, avez-vous été alerté par son comportement ?

Non, je n’y faisais pas attention. Les choses ont commencé à changer au moment de l’annonce de l’invasion de l’Irak. Soudain, il y a eu une prise de conscience d’une partie de la population américaine. Il y a eu des manifestations de protestation, auxquelles j’ai participé… Mais cela nous a quand même pris plus d’un an et demi avant de nous rendre compte de qui était vraiment Dick Cheney.

Qui était Dick Cheney ?

Au départ, c’était un gosse normal, sans aucune ambition. C’était un moyen sur tous les plans. Il est tombé amoureux d’une jeune femme qui, au contraire, avait beaucoup d’ambition. Leur histoire d’amour a transformé l’Histoire. 

Vous décrivez George Bush comme un être un peu stupide, totalement manipulé par Cheney. Était-ce une réalité ?

Je ne dirais pas que Bush était stupide mais il était totalement inexpérimenté. Je n’ai trouvé aucun enregistrement de lui où il m’a paru convaincant. J’ai demandé à un proche de la famille Cheney ce qu’il pensait de Bush et il a ri aux éclats. Bush a quand même mis six ans à comprendre que Cheney le manipulait ! 

Rendre le monde politique compréhensible à l’écran est-il difficile ?

Non car, au fond, comme pour l’économie, ce sont des choses assez simples dissimulées sous une couche de jargon pour les rendre inaccessibles. Je ne suis pas un vulgarisateur, je filme les choses telles qu’elles sont. 

Pourquoi la métaphore de la pêche à la mouche ?

Sa femme le disait elle-même : pour bien comprendre Dick il faut se souvenir qu’il est un grand pêcheur. De la pêche il a gardé la patience, la science des appâts mais aussi une vision à long terme pour arriver à ses fins. 

Avez-vous cherché à la rencontrer ?

Non, parce qu’il n’y avait rien à gagner à faire cela. Si vous le rencontrez, c’est comme si s’établissait un contact avec le film ; il peut essayer d’avoir un droit de regard ou de critique et ça ne nous a pas paru utile.

Avez-vous voulu édulcorer ou noircir son personnage ?

J’ai essayé d’être le plus honnête possible. Il est possible que le public soit séduit comme pouvait séduire son personnage. Les acteurs doivent s’identifier à leurs rôles mais moi j’essaie de comprendre. Ce n’est pas une question d’aimer ou de ne pas aimer mais de se demander comment ces gens-là sont devenus ce qu’ils ont été. Ce sont des êtres humains mais comment ont-ils fait ce chemin qui les a menés à avoir des attitudes monstrueuses. 

Vous sentez-vous un lien avec Michael Moore, avec qui vous avez collaboré ?

Nous avons de nombreux points communs. Je suis né dans le Massachussetts et lui dans le Michigan et tous les deux nous avons assisté à la dégradation de notre ville du fait de la fermeture des industries et des dégâts causés par l’argent. Nous avons le même regard sur le monde. 

Comment votre film a-t-il été accueilli aux États-Unis ?

Ce fut un accueil intéressant en ce sens qu’il m’a surpris : des gens de gauche l’ont détesté et des gens de droite l’ont adoré ! Je n’avais jamais connu ça. Certains ont même trouvé que ça n’allait pas assez loin. Beaucoup de jeunes ont découvert qui était Dick Cheney et ça m’a beaucoup touché. Leurs réactions furent les plus excitantes. 

Et comment le clan Cheney a-t-il réagi ?

Aucune réaction. 

Vice, d’Adam McKay, avec Christian Bale, Amy Adams, Steve Carell, Sam Rockwell, durée 2h12, sortie 13 février 2019

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