Les Impériaux, administrer et habiter l’Europe de Napoléon

Un spécialiste du premier Empire 

Professeur à l’IEP de Grenoble, Aurélien Lignereux s’est très tôt consacré à l’étude du premier Empire. Sa thèse sur la gendarmerie l’a amené à publier plusieurs livres sur le sujet. CitonsServir Napoléon : policiers et gendarmes dans les départements annexés (1796-1814) (Champ Vallon, 2012) ou La France rébellionnaire (Presses Universitaires de Rennes, 2008). On lui doit également une synthèse très précieuse parue chez Seuil, L’Empire des Français, en 2012. Il publie Les Impériaux, une étude prosopographique du parcours de 1500 administrateurs du premier Empire.  

Agents de Napoléon 

Aurélien Lignereux s’est donc plongé dans les archives et les mémoires laissés par certains de ces hauts fonctionnaires pour reconstituer leurs profils et leurs itinéraires. Si les anciens conventionnels et révolutionnaires sont présents, on découvre une majorité d’hommes relativement jeunes, issus des Ponts et Chaussées et de d’autres grands corps comme le Conseil d’Etat.

On découvre aussi combien les conquêtes napoléoniennes ont créé une vaste bourse des emplois publics : on cherche des préfets, des receveurs des douanes, des finances. Les profils sont plus divers qu’on ne pourrait le penser : les cadres sont ici majoritairement bourgeois mais comptent aussi d’anciens émigrés ou des personnes de sensibilité royaliste. Partisan de la fusion des élites et de la réconciliation, Napoléon recrutait large pour administrer son empire. 

Agents de l’Empire 

Aurélien Lignereux innove en empruntant une partie de sa grille d’interprétation aux Post-colonial Studies. Nos impériaux peuvent être comparés à leurs équivalents britanniques ou… français dans le cadre des empires coloniaux de la fin du XIXe siècle. Il s’agit d’une approche féconde. On retrouve dans la correspondance de nos Impériaux bien des préjugés face à leurs administrés, plus en Italie (du sud) et en Espagne qu’en Belgique.

Cadres d’un Empire dont ils garderont longtemps la nostalgie, nos Impériaux essaient dans un temps finalement très court (une dizaine d’années, sauf en Belgique et sur la rive gauche du Rhin) d’assimiler les « néo-français » à la « vieille France ». L’échec final ne doit pas faire oublier leur trace. L’occupation française, avec des nuances, a changé le continent et bien des révoltes des décennies ultérieures ont lieu dans les anciens départements français. Ces hommes ont aussi souvent épousé des femmes issues de ces départements. Et leurs enfants vont occuper à leur suite des emplois publics durant tout le dix-neuvième siècle. Enfin, cette idée « impériale » sur le plan administratif se retrouvera lors de la colonisation, particulièrement en Algérie (où des anciens Impériaux seront affectés dans les années 1830).

Voilà un terrain futur d’investigation. Cet ouvrage est d’ores et déjà un jalon dans l’historiographie du premier Empire et aussi du dix-neuvième siècle. Il est donc plus que recommandé.  

Sylvain Bonnet 

Aurélien Lignereux, Les Impériaux, Fayard, septembre 2019, 436 pages, 25 eur

Laisser un commentaire