Conversation avec Edgar Morin

Une conversation à bâton-rompus

Raconter la France au plus près du terrain, au plus profond de ses réalités. Telle est l’ambition de la nouvelle petite collection de conversations publiées par Autrement, en collaboration avec le magazine trimestriel Zadig. Premier volet de cette collection, la Conversation avec Edgar Morin, sociologue, penseur majeur de notre époque qui répond avec légèreté et chaleur aux questions de Laurent Greilsamer et François Vey. S’ensuit une conversation animée sous-tendue par l’humanisme nourri de réflexion du chercheur centenaire.

Un regard posé sur le passé de la France

Mon oeuvre ne parlant pas toute seule. Je suis obligé de parler pour elle. Quand j’exprime ce à quoi je tiens et crois, cela me plaît.

De la perte de sa mère, très jeune, ses souvenirs d’étudiant, de résistant juif, de chercheur, d’écrivain et de conférencier, la conversation avec Edgar Morin balaie les grandes lignes de sa longue vie, du Paname saturé à Montpellier et son côté « village » en passant par la Bretagne, à Plozévet pour une enquête sociologique sur les effets de la modernisation massive sur la France rurale. “Pour la couverture de mon livre, on avait retenu une photographie oùl’on voyait une Bigouden avec sa coiffe qui servait de l’essence à une station service. J’avais conclu mon étude sur les femmes en disant: il y a ici du “bovarysme”, des femmes malheureuses en ménage, mais il n’y a pas encore de « beauvoirisme ». 

Passant par la pensée complexe

En lutte constante contre la simplification et la réduction, il fut le pionnier de la pensée complexe à laquelle il a consacré plusieurs ouvrages, dont les six tomes de La Méthode (éditions du Seuil) qui « à travers errances et incertitudes dans l’élaboration du savoir » ambitionnent de refonder une « sociologie Complexe ». « J’ai essayé de privilégier l’expérience de terrain, de vie, d’inventer autre chose que la sociologie des questionnaires. J’ai voulu susciter une sociologie du présent. » 

Pour constater l’état de la France, en crise aujourd’hui

De crises en crises, de révolution en révolution, Edgar Morin fait le constat d’une France aujourd’hui divisée et qui refuse le droit de cité aux étrangers, boucs-émissaires de ses angoisses. « La France aujourd’hui ne sait pas où elle va…Pourquoi ne le sait-elle pas ? Parce que le président Macron continue de croire que les réformes consistent à se conformer à la logique du libéralisme économique en conduisant une politique restrictive, déflationniste, alors que l’exemple que nous avons eu de Roosevelt et d’autres, montre qu’il s’agit d’indiquer une voie nouvelle. »

Un homme d’une extraordinaire vitalité.

J’ai à la fois une aspiration au repos et une envie d’activité. Je sais que si je me repose, je meurs; si je travaille trop, je meurs aussi. Je navigue entre les deux.

Ce qui touche, dans Conversation avec Edgar Morin, c’est sa simplicité et sa soif de comprendre le monde et ses révolutions. Enthousiaste et célébrant la vie avec ses hauts et ses bas, ce petit ouvrage, grâce à ses nombreuses références, nous ouvre les portes de l’œuvre abondante du philosophe.

Nathalie Hanin

Conversation avec Edgar Morin, coédition Zadig Autrement, juin 2024, 95 pages, 8,50 euros

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