Le rêve du corbeau de Daniel K. Leroux, un conte écologique
Dans ce conte écologique, Daniel K. Leroux renoue avec la tradition du conte philosophique qui avait les faveurs du lecteur au XVIIIème siècle. En référer à ce genre littéraire est certes un anachronisme, une manière de « critique-fiction », et pourtant : dans les Lettres persanes de Montesquieu, (1721), Usbek décrit les mœurs étranges des occidentaux. Dans Les Voyages de Gulliver (1726) Jonathan Swift critique la société britannique. Et même le Candide de Voltaire (1759) décrit un monde utopique, ou dystopique, en critiquant la société et la philosophie de son temps.
Ah ça ira !

Les satires de cette époque avaient une dimension édifiante. Sous couvert d’humour, d’ironie et d’exagération, elles visaient à préparer l’opinion aux transformations sociales et politiques majeures, finalement révolutionnaires, qui eurent lieu à la fin du siècle. C’est exactement ce que l’on peut dire du Rêve du corbeau. Doit-on en déduire que, sur le long terme, suite à un lent et patient travail de sape, la littérature transformerait les mentalités ? Manifestement, Daniel Leroux s’inscrit dans cette tradition. Il fait même appel aux figures anciennes des Dieux, sorcières et animaux mythique avec son corbeau aux ailes d’or, évoquant pour moi des peintures de Boucher, Watteau ou Fragonard qui auraient souffert de graves intempéries.
Une fin programmée ?
Ce récit est en même temps une véritable dystopie, contemporaine : il anticipe, dans une manière de science-fiction, l’avenir sombre qui nous attend. À ses débuts, l’humanité a eu un choix à faire, entre le travail amoureux et respectueux de la terre-mère et la violation de ses entrailles dans un but un industriel : plutôt que le paysan, elle a choisi le forgeron. En détruisant le vivant, elle a décidé de courir à sa perte… et à amener les Dieux du ciel et Gaïa, la déesse terre, à décider d’en finir avec cette triste engeance… Dans ce récit, un certain Énée est le seul survivant, il erre sur une terre qui renait, verte et florissante, d’être débarrassée du fléau des humains. Sera-t-il à l’origine d’une nouvelle humanité ?
C’est dire que sous des dehors littéraires fantastiques et charmants, Daniel Leroux décrit notre possible destinée. Plutôt que d’être dystopique, ce récit serait-il, hélas, trop réaliste ? Tout porte aujourd’hui à le croire…,
Mathias Lair
Daniel K. Leroux, Le rêve du corbeau, aquarelles de Marianne K. Leroux, éditions L’Atelier du grand Tétras, juin 2025, 72 pages, 14 euros