Les classes sociales en France, un concept toujours opérant?
Sociologue, directeur de recherches émérite au CNRS, Gérard Mauger a récemment publié Avec Bourdieu. Un parcours sociologique (PUF, 2023), hommage aux recherches du grand sociologue. Ici, il offre une synthèse, Les classes sociales en France, permettant de reprendre une grille de lecture un peu abandonnée ces dernières décennies pour comprendre notre société.
Une notion toujours actuelle

La notion de classe sociale, longtemps utilisée en sociologie (et en économie) a certainement pâti du recul du marxisme depuis les années soixante-dix, de la chute du mur de Berlin… et aussi du recul de la classe ouvrière, notamment à cause des délocalisations et de la désindustrialisation. Ont-elles pour autant disparu ? Gérard Mauger montre que non. Celle qui est en haut de la pyramide sociale, la bourgeoisie, qui a vu ses revenus augmenter depuis les années 1980. A la fin des années 1970, Bourdieu avait montré avec La Distinction la permanence de ses mécanismes de reproduction et de défense. Gérard Mauger montre comment elle s’est adaptée à la Mondialisation et à la société du numérique, tout en trustant les postes de la haute administration.
Des classes populaires transformées
Si on peut incontestablement parler de « repli ouvrier », les classes populaires sont toujours là. Mauger parler moins de la « France périphérique », concept cher à Christophe Guilluy, mais il démontre qu’elles se distinguent par un mode de vie, un goût du bonheur privé, un mode de consommation. Ici, on fait attention aux fins de mois, bien sûr. Et puis il y a les employés, 7,3 millions de personnes. Les classes populaires aspirent donc au bonheur, souffrent de la ségrégation sociale et spatiale… gare aux moments où le malheur privé se substitue au bonheur privé, les classes populaires renouant alors avec l’action publique : c’est le mouvement très contesté des Gilets jaunes. Intéressante synthèse.
Sylvain Bonnet
Gérard Mauger, Les classes sociales en France, La Découverte « repères », octobre 2024, 128 pages, 11 euros