Défense d’extinction, le tour de force de Ray Nayler

De l’auteur de La montagne dans la mer (Le Bélial, 2014) et surtout de Protectorats (Le Bélial, 2023), on attend beaucoup tant il s’est avéré être un maître de la nouvelle et un écrivain ancré dans l’uchronie et des anticipations technologiques assez osées. Défense d’extinction, publié dans la collection « Une heure lumière » du Bélial, promet en tout cas beaucoup.

Un pacte pas comme les autres

« Damira suivit la piste ensanglantée jusqu’en bas de la colline, là où l’eau affeurait, scintillant entre les herbes. Ses pas s’enfonçaient de quelques centimètres à travers l’humus avant de rencontrer le tapis spongieux des racines.

Les traces s’amenuisaient, mais l’odeur du sang emplissait l’air. Au contact de sa trompe sur sa voute buccale, l’organe de Jakobson invoqua la mémoire du mammouth qu’elle appelait Koyon – son allure farouche et massive, son oreille droite en lambeaux, sa tête vêtue d’aspect lugubre. »

Damira, une grande défenseure des éléphants, a été sauvagement tuée au Kenya. Presqu’un siècle plus tard, des scientifiques russes profitent de la copie numérique qu’elle avait fait d’elle pour la ramener à la vie dans un but précis. Ils ont en effet ramené les mammouths pour peupler la Sibérie, ranimer les écosystèmes liés au Permafrost. Mais ces mammouths n’ont pas d’ancêtres pour les guider. Si les éléphants ont disparu en milieu sauvage, Damira ranimée demeure leur meilleure spécialiste et accepte de se voir transplanter dans le corps d’une femelle mammouth pour apprendre à survivre aux plus jeunes. Et ça tombe bien car, malgré les drones, des chasseurs rôdent..

Un récit époustouflant

Défense d’extinction brasse beaucoup de thèmes : manipulations génétiques, mutations, limite entre l’homme et l’animal, réflexion sur l’identité (quelle différence de nature entre la Damira décédée et la Damira numérisée ? Vous avez quatre heures). La maestria de la construction de l’histoire, morcelée entre passé et présent, impressionne le lecteur blasé. Nayler a réussi un tour de force. Et s’affirme comme un auteur à suivre !

Novella à lire cet été en vacances, amis lecteurs blasés.

Sylvain Bonnet

Ray Nayler, Défense d’extinction, traduit de l’anglais par L’Épaule d’Orion, Le Bélial « une heure-lumière », illustration de couverture d’Aurélien Police, mai 2025, 160 pages, 12,90 euros

Laisser un commentaire