Dans la gueule du loup, une femme reporter de guerre

Deux poids lourds de du journalisme d’investigation sur le terrain et de la BD s’associent pour écrire Dans la gueule du loup, un roman graphique qui nous fait ressentir les affres de la guerre. La plume des auteurs est remarquablement mise en encre par Horne, qui sous des teintes bichromiques donne un ton apocalyptique, voire irréel, aux situations.

Une femme reporter dans la guerre

Nina ? Toi, t’es ni arabe, ni tchétchène, dis-nous c’est quoi l’erreur ? Y a pas d’erreur. Je suis reporter de guerre…

Nina est une très jeune reporter qui a envie, pour débuter sa carrière, de se retrouver au cœur de conflits extérieurs. Son baptême du feu, elle le passe en Irak et ensuite en Tchétchénie. Pour elle, son leitmotiv, est de partager le quotidien des deux camps et ainsi se forger sa propre opinion afin de témoigner des faits Elle se retrouve quelques mois ou années après à converser dans un bar avec des exilés à Nice. Elle a croisé l’un deux dans les rues de Falloujah en plein guerre urbaine. Abdel, français qui s’était engagé pour défendre sa religion contre les opprimés. Peut-être dans le mauvais camp ou pas !

Quant à Mahmoud, Nina l’a rencontré en Tchétchénie qui l’accompagne et guide ses pas dans cet autre conflit. Les Russes qui veulent leur suprématie incontestable dans leur pays qui n’est pas le leur. Ces anciens combattants témoignent ainsi de leur état d’âmes, joies et peines.

Une minorité accablée

Anne Nivat utilise ses propres souvenirs, son expérience pour témoigner de ces conflits qu’elle a côtoyée. Romancé par Jean-Marc Thévenet, le parti pris est avant tout concentré sur Anne Nivat sous les traits de Nina. Force est de constater que l’on identifie clairement les bons des méchants et le côté impartial est quant à lui mis de côté. Cependant ce dialogue montre combien une minorité peut être accablée et trouver les moyens de subsister mais surtout de se défendre contre les assaillants. Nul conflit ne doit faire oublier qu’il n’y a pas qu’un seul responsable…

La grande satisfaction vient du dessin de Horne. Les traits épais de chaque case les mettent en évidence et on se retrouve comme face à un petit écran qui distille son reportage en live.

Ses personnages sont touchants, expressifs et attachants malgré le contexte. La mise en couleur est déroutante au début, Horne a choisi de traiter sur chaque page, session ou case des tonalités de couleurs fortes. Le contraste donne des situations irréelles voir fantastiques. Après que l’œil se soit habitué, on y prend un vrai plaisir, il joue avec des assemblages coloriques détonants, qui donnent une vraie personnalité et éclairent chaque planche. Comment assembler le rose et le vert, le jaune et le violet ? Et tout fonctionne comme par magie ! 

Xavier de La Verrie

Anne Nivat, Jean-Marc Thévenet (auteurs), Horne (dessin), Dans la gueule du loup, Marabulles, mars 2021, 128 pages, 19,95 eur

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