Une vie de moche

Uppercut caustique

Une vie de moche n’est en aucun cas une biographie des auteurs, quoique je ne connaisse pas Cécile Guillard qui présente ici son premier roman graphique. Cela dit nous avons tous nos imperfections et autres défauts que nous tentons de cacher ou d’oublier, ce qui est loin d’être le cas présent dans cette histoire. François Bégaudeau fait une critique évidente de la société qui ne jure que par la beauté.

Dans la vie, on a ce qu’on mérite, disait mon père. J’avais dû mériter ma tête, mon nez de travers, mes yeux éteints, mes joues pâles, mes cheveux insoumis. »

Ou comment démêler le vrai du beau 

Guylaine est née moche et nous suivons sa vie au travers de ses yeux, de sa malédiction ou en tout cas elle la dévoile et la vie de cette façon.

Son mal être débute dans sa tendre enfance, elle prend en pleine figure un « toi oui mais pas la moche » qui lui fera prendre conscience de sa différence aux yeux des autres. Même ses parents n’ont pas toujours les mots justes pour la réconforter bien au contraire. Vivre non pas comme une pestiférée mais comme quelqu’un d’inutile ou bien pire de transparent sera le traumatisme qui l’accompagnera tout au long de sa vie. Elle n’aura de cesse de se comparer à la beauté des autres qui irradient et attirent autour d’eux, quand elle, ne sera que la spectatrice de la vie des autres.

« Une femme sans homme n’était pas viable. Je n’étais pas viable »

L’âge de l’adolescence avec la confrontation des couples autour d’elle ne fera que renforcer sa tendance à se cacher. Elle tentera la stratégie pour s’acoquiner d’une belle adolescente et côtoyer les garçons mais la désillusion s’installera à nouveau.

La rencontre de Katell l’entrainera vers de nouveaux horizons qui vont la décomplexer mais pour combien de temps ? En fin de compte saura-t-elle trouver sa place ?

Tous concernés

Oui, nous sommes tous concernés d’un côté ou de l’autre de cette frontière impalpable, sommes-nous beaux, laids, avons-nous notre propre personnalité ou tentons-nous de correspondre au moule sociétal ? Ce roman graphique nous fait prendre conscience de la tragédie que peuvent vivre des enfants et adolescents qui se sentent repoussés et à qui un tant soit peu d’humanité devrait être réservé pour les accompagner. Les médias ne cessent de nous interpeller sur le harcèlement scolaire omniprésent dans les cours d’écoles, là où tout se décide.

Une mention spéciale au dessin noir et blanc ou plutôt la très belle nuance de lavis monochrome, de gris parsemé de sépia. Cécile a travaillée à main levé sans retouches pour prouver la violence, chaque case est comme une dédicace qu’elle vous ferait excepté qu’elle a produit un travail conséquent sur 200 pages.

Une mention très spéciale aux textes de François Bégaudeau qui sont comme des uppercuts pour faire passer des messages forts, voire choquants ou en tout cas signifier la violence de la réalité subie. En voici une sélection :

  • La laideur vous déclasse et la beauté vous surclasse, elle vous donne des points sociaux 
  • Moi issue de la classe moyenne, mon physique me parachutait dans la classe moyenne inférieure 
  • J’ai opté pour un concours de la fonction publique au moins les belles plantes n’y sont pas favorisées. 
  • La fonction publique c’est la chance des moches
  • On est toujours le monstre d’un autre

Xavier de la Verrie

François Bégaudeau (scénario), Cécile Guillard (dessin), Une vie de moche, Marabulles, octobre 2019, 208 pages, 25 eur

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