Douve de Victor Guilbert, un village qui a la guigne

Le village de Douve, coincé entre des sapins trop grands et des marécages poisseux, au terminus en cul-de-sac d’une seule route, porte bien son nom. Mais le narrateur de Douve y est lié pour des raisons inconnues. Alors que la malédiction se réveille — le village ne semble exister que pour les meurtres qui y ont eu lieu régulièrement —, Hugo Boloren, policier en vacances, quitte Paris et plonge dans cette histoire qui est d’abord la sienne, suite à la malédiction prononcée par son père : « le gamin a Douve dans les veines ».

un village coupé du monde

Personnage essentiel du roman, Douve n’a vraiment rien pour plaire. C’est un petit village mort au bout d’un chemin qui s’enfonce dans une immense forêt de sapins dont aucune scierie ne veut, puis s’arrête. Un marécage poisseux l’entoure, et la grisâtre humidité est le temps le plus clément, mais le plus souvent, il pleut. Dru. Douve, c’est une taie dans le paysage. Si toute la région est ensoleillée, on peut être certain que le ciel, sur Douve, est au moins menaçant et gris… Entre Douve et la forêt, une simple petite barrière, puis le chemin s’enfonce inextricablement à en être perdu à peine cent mètres plus loin. Mais cette barrière délimite deux mondes, dont on ne sait pas lequel protège l’autre…

Car la forêt est pleine de légendes, qui commence avec l’Occupation. Des nazis y sont venus, en fuite, puis sont repartis. Mais une chasse à l’homme s’est ensuite organisée et la forêt semble maintenant pleine de fantôme… Et puis ce médecin islandais venu habiter avec sa petite famille et y travailler ses talents de botanistes. Mais alors qu’il est en cueillette, sa famille est empoisonnée, du moins c’est ce qu’il dit à son plus proche voisin.

« Tous ceux qui ont essayé de fuir à travers cette foret son morts » tonne un des anciens du village… On ne vient pas à Douve par hasard, mais on n’en sort pas non plus, du moins vivant…

Hugo

Personne ne mérite de finir ici, sous cette voûte hostile et froide, personne. Pas même un nazi. On ne devrait jamais fouler l’enfer tant qu’on est encore en vie.

Si Hugo vient à Douve pour éclaircir un doute existentiel (et si sa mère y avait laissée son père biologique ?), il va vite être confronté à tout ce que Douve porte de malédiction. En remontant le passé, Hugo plonge aussi dans le livre interdit de sa propre mère. Elle était journaliste d’investigation, une fait-diversière de premier plan. Et a consacré un livre à Douve. Histoire dans l’histoire, ou éclaircissement de l’ombre par le centre.

Mais que s’est-il donc passé à Douve, à deux reprises, et qui semble être en train de se reproduire ? Quels sont les fils qui relient le passé et le présent ? Qui sont vraiment cette poignée d’habitants enclavé dans un monde clos et un entre-soi tissé de secrets ? Et Hugo dans tout cela ?

Douve — ce titre est vraiment génial —, est un roman qui se dévore sans respirer. Le personnage d’Hugo est attachant, et la narration est menée avec beaucoup de force et emporte son lecteur vers une fin qu’il aura bien du mal à deviner ! La galerie des personnages tous savoureux vient ajouter au plaisir de se laisser embourber dans la mouise de Douve !

Laissez Douve entrer en vous, et vous habiter pour longtemps.

Loïc Di Stefano

Victor Guilbert, Douve, Hugo Thriller, janvier 2021, 299 pages, 19,95 eur

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