Etat de nature, l’entre-soi rural et brutal selon Jean-Baptiste de Froment
La politique française, racontée par Jean-Baptiste de Froment, c’est du genre western et compagnie. Ceux qui pourraient croire encore que les ministres, maires, députés, conseillers généraux et autres élus, sont attachés au bonheur du peuple, et travaillent sans relâche pour lui, ne devraient surtout pas lire Etat de nature. Car ce livre n’a vraiment rien à voir avec un potager bio. C’est plutôt une jungle de bêtes féroces, où le bon, la brute et le truand, se partagent les rôles pour avoir la peau de l’autre. Et encore on se demande si le bon est si bon que cela… Quant aux héroïnes, elles ne sont pas traitées avec un féminisme débordant. Donc, en clair, ça vole bas.
un l’entre-soi rural et brutal
L’histoire d’Etat de nature se passe pour l’essentiel dans un département du centre de la France, qui pourrait être la Creuse ou l’Indre, où la présence d’une jeune et jolie préfète secoue les usages du monde politique local, habitué aux arrangements entre soi, à coups de prébendes et de chantage. Ce département imaginaire est appelé la Douvre, et possède deux particularités : il ne s’y passe jamais rien, d’une part, et les femmes n’y ont habituellement pas droit à la parole, d’autre part. Grâce à quoi, les notaires, les agriculteurs, les fonctionnaires, les élus de tous bords, et même les gauchistes, peuplent un petit territoire où tout le monde se connait, et parfois se déteste.
Tout resterait en l’état si une élection, législative, d’abord, présidentielle, ensuite, ne donnait de drôles d’idées à de drôles, de gens. Tellement que les amis d’hier deviennent adversaires, que les clans se font et se défont au gré des trahisons, et que les ministères alertés à paris ne bruissent que de leurs turpitudes. Que devient la belle préfète dans tout cela ? Elle fait plus ample connaissance avec la France profonde et les amours campagnardes. Preuve que tout n’est pas rose dans la fonction publique…
Un petit monde politique
Jean-Baptiste de Froment excelle à brosser un tableau du monde politique contemporain qui vaut son pesant de moutarde. Et, condiment supplémentaire, ajoute une dose d’humour bienvenu. La nomination de la jeune préfète fut certes saluée avec agrément, et Froment peut écrire « A son arrivée une sorte de fièvre joyeuse s’était emparée du vieux département ». Mais son départ marque la fin d’un véritable roman policier, avec cadavres à la clef et mains sales pour tout le monde, jusqu’à l’Elysée où l’on évite avec soin le terrible sujet de la Douvre.
Tel est l’amusant et sympathique roman de Jean-Baptiste de Froment, auteur inconnu, puisqu’il s’agit de son premier livre, mais qui ne devrait pas tarder à faire parler de lui, s’il continue sur cette lancée prometteuse.
Didier Ters
Jean-Baptiste de Froment, Etat de nature, éditions Points, mars 2020, 220 pages, 7,10 eur