« Enfants de nazis », vie des héritiers du IIIe Reich

Si les enfants ne sont pas responsables des crimes de leurs pères, il y a des noms de familles qui sont comme une marque transgénérationnelle indélébile. Ainsi des fils et filles des dignitaires nazis qui ont dû, chacun à sa manière, apprendre à vivre après la défaite. Apprendre à vivre n’étant plus l’enfant chéri d’un maître. Apprendre à vivre sous l’opprobre ou dans le souvenir chéri, car aussi dur a-t-il été avec ses ennemis, aussi monstrueux a-t-il été avec ses victimes, cet homme que toute l’histoire abomine reste un papa.

 

Exemples d’un héritage difficile

Il y a plusieurs manière de vivre en étant l’enfant d’un dignitaire du IIIe Reich. La plus célèbre, Gudrun Himmler,  lutta toute sa vie pour redorer la mémoire de son père, l’estimant innocent des crimes dont on l’accusait, et fut une figure centrale du renouveau néonazi, allant jusqu’à organiser une association de jeunesse « viking » qui ne fut dissoute que dans les années 2000… Tous les autres tentèrent surtout de faire oublier le nom de leur père… tous sauf Albert Speer Jr, grand architecte comme lui, qui ne pouvait pas y échapper.

 

Un essai en trois parties

Tania Crasnianski construit son essai en trois temps. Une longue préface qui pose de vraies belles questions sur la psychologie de l’enfant, sur le comportement des victimes et des bourreaux, et sur la force du lien familial qui parfois aveugle. Puis la série des biographies des enfants de Himmler, Göring, Hess, Frank, Bormann, Höss, Speer et Mengele. Enfin un retour analytique sur ces enfants et plus généralement sur l’imprégnation du IIIe Reich dans l’Histoire allemande contemporaine.

 

Enfants de nazis

 

Cependant la partie purement biographique souffre de deux défauts. Le regard est orienté, sans doute déformation professionnelle d’un auteur avocat, mais des réflexions morales gâchent un peu la lecture. Comme si, contre toute précaution, l’auteur jugeait. Et il y a aussi des approximations et des erreurs factuelles, comme par exemple la mort d’Hewig Potthast, la seconde femme d’Himmler (morte en 1997 et non 1994).

 

Malgré ces très petits détails, Enfants de nazis est un regard neuf sur une question ambiguë (car la manière dont les héritiers ont été traités par les vainqueurs n’est pas forcément glorieuse non plus…) et sur les continuités du nazismes après l’effondrement du IIIe Reich. Mais il montre aussi une facette « humaine » des dignitaires du régime nazi qui ont pu être si inhumains en « gérant » la question juive et qui rentraient chez eux s’occuper tendrement de leurs enfants chéris. Cette dichotomie ne cesse d’interroger la part du monstre en l’homme.

 

Loïc Di Stefano

 

Tania Crasnianski, Enfants de nazis, Pocket, octobre 2017, 288 pages, 6,95 euros

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