Eric Dupond-Moretti, Le Dictionnaire de ma vie

Avocat pénaliste surdoué, Eric Dupond-Moretti est une figure de premier ordre, notamment depuis la première affaire d’Outreau. Engagé politiquement à gauche, sans être encarté, il mène le double de combat de défendre ses clients et ses valeurs. Sa carrière l’a mené au cinéma et au théâtre, mais toujours pour y incarner ce qu’il est. Après plusieurs ouvrages sur ses combats judiciaires et quelques règlements de compte (La Bête noire, Direct du droit), Eric Dupond-Moretti se livre plus intimement avec Le Dictionnaire de ma vie.

Aquitator a-t-il une âme ?

La question se pose, légitimement, comme pour tout avocat pénaliste qui met le principe de défense au-dessus de crime de son client. Si chacun a le droit à une défense, ses manières un peu violente ne font pas l’unanimité, ni les clients qu’il défend, ni les « trucs » qu’il emploie pour parvenir à ses fins. Insolence, intimidation, coups de gueule ! Toutefois, ses succès multiples et son charisme, en font une bête de justice incroyable !

A l’occasion de ce dictionnaire, Eric Dupond-Moretti passe en revue certaines de ses affaires médiatiques (par exemple Abdel Kader Merah, le frère) ainsi que les grands moments de sa vie personnelle et ses petites passions (le whisky, les bonnes tables, les cigares) et, corollaire, son regret amer d’un époque hygiéniste. Ces « beaux » moments alternent avec ses « haines », surtout le Front National dont il passe en revue, de manière non exhaustive, une série de « casier judiciaire » des élus FN. C’est le grand combat de sa vie, lutter contre la « dédiabolisation », contre la banalisation des idées d’extrême-droite.

Dupond-Moretti intime

Son insolence et son humanité se sont forgé au contact de certains « maîtres », comme le grand avocat Alain Furbury, à qui il doit sa vocation. Un beau portrait de sa mère, quelques pages d’amour du Nord où il a grandit et a forgé sa renommée, et surtout ce qui fait sa particularité d’homme.

L’intérêt du Dictionnaire de ma vie est de nous montrer le personnage entre les lignes, ses failles, cette part d’humanité qui lui donne la force, finalement, de n’en plus avoir au moment de plaider. Car plaider contre la vindicte populaire, c’est défendre l’homme et pas le geste commis, et c’est transférer sur le client tout de sa propre humanité.

On découvre Eric Dupond-Moretti tel qu’en lui-même, et dont l’intime rejoint le public. Un homme entier, intègre, qu’on apprécie ou non, mais qui ne peut pas laisser indifférent.

Loïc Di Stefano

Eric Dupond-Moretti, avec la collaboration de Laurence Monsénégo, Le Dictionnaire de ma vie, J’ai lu, mars 2019, 192 pages, 6,70 eur

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