D’un cheval l’autre, la biographie équestre de Bartabas

D’un cheval l’autre est un livre qui ne parle ni de viol, ni de crime, ni de Gestapo, ni d’inceste, ni de guerre, ni d’islamisme, ni de banlieue. Rien de tout cela. Ce livre parle d’amour. C’est un texte à déguster comme un grand cru, ou un vieux cognac, au coin du feu, à petites lampées, en savourant.

Peu connu pour son œuvre dans les cercles littéraires, puisqu’elle est inexistante, Bartabas est cet homme qui a consacré sa vie aux chevaux. C’est le créateur du Théâtre Equestre Zingaro. Cette naissance a eu lieu à Bordeaux, lors de l’un de ces festivals Sigma, qui ont un peu secoué la vie culturelle de la ville dans les années 1980 (et même avant). 

De l’amour des chevaux

Bref, Bartabas est le pseudonyme d’un homme qui n’a rien d’un écrivain (encore que), mais qui est simplement amoureux du cheval. Il lui adresse ici une magnifique déclaration, qui pourrait s’écrire : Cheval, je vous aime. Il faut dire qu’après Sigma, Bartabas et sa troupe ont amené leurs montures un peu partout sur la Terre, monté des spectacles forts, et connut des succès enivrants. Celui obtenu au Fort d’Aubervilliers, pour une mise en scène ébouriffante du Requiem de Mozart, n’est pas le moindre. 

Mais Bartabas ne parle pas de tout cela dans son livre, puisqu’il parle de ses chevaux. De Zingaro, le parrain de l’écurie, qui a pris le nom du théâtre, et fut reçu à New York comme un prince, d’Horizonte, cheval adoré, dont le récit de la mort est superbe, de Quixote, qui fait revivre Cervantès sous ses sabots, du bel Hidalgo, le premier de tous, qui vit naître, et qui fit naître, Bartabas, de tous les autres enfin, auxquels furent donnés des noms d’artistes (Lautrec, Caravage, Greco, Soutine, Tintorêt, mais aussi Cordobès ou Coppi). 

Cavalier mais plutôt écuyer, metteur en scène mais plutôt chorégraphe, dompteur mais plutôt dresseur, Bartabas est tout cela mais plus encore. Il est cet homme qui avoue que le cheval l’a fait homme. N’attendez donc pas un récit de ses exploits ou de ses mérites, de sa vie ou de ses voyages, puisque c’est la vie, les voyages, les mérites de ses chevaux qu’il raconte avec la joie, et surtout l’émotion, qu’il ressent à les faire ainsi vivre et revivre sous sa plume. 

Enfin, Bartabas est aussi un magnifique écrivain. Et il l’est devenu grâce à ce livre, ce que l’on ne savait pas avant qu’il l’écrive, puisque c’est son premier. On l’y découvre à travers ses chevaux, qu’il a accompagnés pendant des décennies, parlant peu de lui et beaucoup d’eux, et les mettant une fois de plus en scène avec un rare brio. Cette fois, ce n’est pas le spectateur qui est enchanté, c’est le lecteur. 

Didier Ters

Bartabas, D’un cheval l’autre, Gallimard, janvier 2020, 310 pages, 20 eur 

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