Free Queens, portraits de femmes

Un auteur phare du polar français

On a connu Marin Ledun avec Salut à toi ô mon frère (Gallimard, 2018) et La vie en rose (Gallimard, 2019), polars bien ficelés avec une héroïne savoureuse. On a pris une claque monumentale avec Leur âme au diable, roman labyrinthique qui décrivait comme l’industrie du tabac en France avait réussi à vendre sa marchandise, ne lésinant sur aucun moyen de pression ni aucune compromission. On était là face à une fiction pouvant se comparer à American Tabloïd d’Ellroy. Free Queens, sorti au printemps 2022, nous propose de nous transporter au Nigéria à la veille du confinement de 2020.

Prostituées, bière et gros sous

« Serena Monnier consacra l’essentiel des six heures trente que dura le vol direct Air France Paris-Lagos à repousser les avances du quadragénaire hollandais bedonnant assis à côté d’elle et à relire ses notes concernant l’affaire Dooyum. »

Après avoir recueilli le témoignage d’une prostituée nigériane à Paris, Jasmine Dooyum, la journaliste free-lance Serena Monnier débarque à Lagos début février 2020. Elle prend contact avec l’ONG Free Queens afin de recueillir des témoignages sur les réseaux criminels qui régissent la prostitution entre Europe et Afrique. Parallèlement, Goje, officier de la police routière découvre les corps de deux jeunes filles sur une autoroute. Bouleversé, il mène sa propre enquête, découvre que le procès-verbal avec leurs noms a été falsifié. Serena et Goje vont, chacun de leurs côtés, découvrir que beaucoup de ces femmes sont utilisés par une multinationale de la bière. Elles sont là pour vendre le produit, avec leurs corps. Quel qu’en soit le prix.

Un roman coup de poing

Free Queens, s’il est moins percutant dans ses coups de scalpel que Leur âme au diable, est un sacré coup de poing donné au lecteur. Le cynisme des dirigeants et la corruption de la police nigériane est exposée ici sans fards, sans filtre. Cette corruption est aussi celles des sociétés européennes et de leurs agents, prêt à tout pour le fric et, soyons crus, se taper des jolis culs. Ce sont les femmes ici, avec leurs blessures et leurs cicatrices, qui s’en sortent le mieux, de vraies héroïnes. Free Queens fait réfléchir.

Sylvain Bonnet

Marin Ledun, Free Queens, Gallimard « série noire », mars 2023, 416 pages, 21 euros

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