Derrière les hauts murs, témoignage d’un aumônier en prison

Le père Venot-Eiffel a passé huit années à la maison centrale de Caen, comme aumônier de prison. Prêtre attaché à une paroisse du XIIIe arrondissement de Paris, puis aumônier dans un centre  de soins palliatifs, il décida un jour d’aller porter la bonne parole auprès de ceux qui, enfermés, avaient peut-être besoin de quelque secours. D’où ce récit d’un témoignage peu courant Derrière les hauts murs, qu’on lira sans parti pris, parce que le prêtre n’est ni médecin, ni juge, et que spontanément, il reconnait s’être toujours rangé du côté des victimes. Mais à ses yeux la compassion ne suffit pas. 

la lumière dans les ténèbres

La maison centrale de Caen accueille 340 détenus, condamnés à de longues peines pour viols, pédophilie, meurtres, incestes, et autres crimes de délinquants sexuels. C’est donc une prison particulière, pour criminels particuliers. Le prêtre les visita, tous les après-midi, pendant deux heures, tantôt l’un, tantôt l’autre, au gré de leurs demandes. Et vint dire la messe chaque dimanche matin, pour une trentaine d’entre eux, assidus aux chants et à la prière. 

Telle est cette expérience qu’il raconte au fil de ce petit livre, sans fioritures ni effets de style, dans un langage presque parlé, et qui assène à l’occasion quelques coups de poing. Car Eric Venot-Eiffel n’ignore rien de l’univers douloureux de la prison, des vices horribles de ceux qui l’habitent, de la détresse de leurs victimes ou de leurs familles. Sous une plume sèche et simple, sans excuse ni pardon, il part à la recherche de ces hommes, souvent suicidaires, qui demandent en secret au prêtre de les aider, quand ils seront sortis de cinq ou dix ans d’enfermement. Voire plus. 

la peur d’être libéré

Car, raconte-t-il, si la prison est certes une punition voulue par la loi et la société, et ressentie comme telle par les détenus, ceux-ci vivent avec une réelle angoisse le jour où ils en sortiront. Que faire d’une liberté si longtemps espérée ? Où aller ? Pour qui travailler ? Visiteur de prison avec le secours de la religion, le prêtre n’a pourtant aucune clé pour ouvrir les portes d’une nouvelle vie à ceux qui sont sortis de la société. Et qui, le plus souvent ont été abandonnés par leurs proches. Et qui ne savent pas comment « revenir ». 

L’aumônier apporte seulement une parole, une compagnie, une voix et un sourire ; pour certains de ces hommes, c’est déjà énorme. « Un aumônier de prison n’a pas à sauver le détenu, qui est sur son chemin. Il est certes appelé à encourager, consoler, aider à se relever. Tel le samaritain de l’Evangile » écrit clairement Eric Venot-Eiffel. Et voilà que dans le petit espace clos de la cellule, un dialogue ainsi s’engage, inattendu, parfois pathétique, parfois magnifique, entre deux êtres que rassemble pour un temps, un peu de foi chrétienne. 

Didier Ters

Eric Venot-Eiffel, Derrière les hauts murs, Edition Médiaspaul, février 2021, 140 pages, 16 eur 

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