La Chasse, nuit de traque dans le bush australien

Gabriel Bergmoser est un dramaturge australien reconnu. Et avec son premier roman, La Chasse, il se place immédiatement en haut de l’affiche des créateurs d’ambiance, et la référence au film Délivrance de John Boorman est quasi évidente : une chasse à l’homme, des autochtones arriérés et pervers, des citadins égarés… Bienvenue dans le bush !

l’Australie sauvage et véritable

Il eut un rire amer. L’Australie véritable. Quelle idée à la con. Comme s’il avait la moindre idée de ce dont il s’agissait.

La station essence, seule au milieu du désert, est comme un havre, un refuge pour ceux qui parcourent cette interminable ligne droite. C’est là que Franck a refait sa vie, pour oublier la précédente… On ne saura rien, sinon que c’est un mauvais souvenir. C’est de cette ancienne vie que ressurgit son fils, qui vient lui déposer en garde sa petite-fille, qu’il n’a jamais connue. Le couple va se séparer et il faut isoler l’enfant, la mettre à l’abri. A l’abri ! L’adolescente citadine découvre un inconnu, taciturne, vivant seul au milieu de nulle part.

Au-delà des hautes herbes, c’est le bush, cette brousse australienne quasiment invivable. Mais une petite communauté y vit, à l’abri du monde, dans un entre-soi presque tribal. Et quand ils sont en chasse, d’un gibier particulier, ses habitants deviennent une vraie horde.

le point de friction

Ces deux mondes n’avaient aucune raison de se rencontrer. Mais une jeune fille partie à la recherche de sa mère, et qui a embarqué avec elle un malheureux citadin en mal d’aventures, viendra s’en mêler. Pourquoi débarque-t-elle dans ce village introuvable ? Pourquoi la chasse-t-on ? Et pourquoi la protège-t-on une fois qu’elle se réfugiera dans cette station essence ? Son charisme naturel est source de beaucoup d’ennuis, au point qu’on oublie parfois que c’est d’abord une victime. Quelle est sa quête exactement et que découvre-t-elle dans ce village de congénitaux crasseux ? Quel est ce secret qu’il faudra protéger et, de fait, faire d’elle une proie ?

Bergmoser parvient à tisser chacune des vies qui vont venir se percuter dans cette station essence avec beaucoup de force. Le lecteur s’y prend. Et malgré la minceur du livre, il ne manque rien, c’est un petit bijou de précision condensée et ajustée parfaitement. La Chasse est d’une rare densité, qui impressionne par le minimalisme de sa mise en scène, le peu de personnages et le brio avec lequel il parvient à créer une ambiance tendue de bout en bout. Cette nuit dans le bush australien sera de sang, de sauvagerie et d’immense plaisir pour le lecteur de ce chef d’œuvre.

Loïc DI Stefano

Gabriel Bergmoser, La Chasse, traduit de l’anglais (Australie) par Charles Recoursé, Sonatines, mars 2021, 249 pages, 20 eur

Laisser un commentaire