Underground Airlines, présent alternatif

SF nouvelle génération

Ben H. Winters s’est fait connaître du public des amateurs en publiant Dernier meurtre avant la fin du monde (Super 8, 2015), premier volet d’une trilogie centrée autour du personnage de Hank Palace dont la ville, Concord, vit sous la menace permanente d’une collision avec un astéroïde. Il a obtenu aussi avec J-77 (Super 8, 2016) le prix Philip K. Dick en 2014. Underground Airlines est une uchronie assez noire qui décrit une Amérique où l’esclavage a perduré dans le Sud et qui vient de recevoir le grand prix de l’imaginaire 2019 décerné aux imaginales d’Épinal.

Noire est la couleur

Quatre Etats du Sud, les « Hard Four » continuent d’autoriser l’esclavage, malgré les mouvements abolitionnistes du Nord, malgré le boycott national et international. Quant un esclave s’enfuit, les U.S Marshals doivent tout faire pour le récupérer. Toutes les stratégies sont bonnes, y compris recruter d’anciens esclaves :

J’étais libre depuis l’âge de quatorze ans et, ce soir-là, alors que je laissais mon GPS me guider le long des rues d’Indianapolis, j’approchais de mon quarantième anniversaire. »

Victor est l’un d’eux. Sa mission est simple : retrouver ses frères de couleur évadés et les livrer à la justice fédérale. Il travaille lui-même sous la menace d’un Marshal, Bridge depuis des années. Victor est un bon élément, sachant jouer un rôle et excellant à infiltrer des associations ou des mouvements pro-abolitionnistes. Chargé de retrouver le jeune Jackdaw, il enquête dans Indianapolis sous différentes identités. La piste de Jackdaw n’est pas évidente à retrouver, Bridge se plaint de sa lenteur. Victor fait de son mieux, loin de se douter de mettre son nez dans une affaire où les noirs jouent le rôle de cobayes pour des expériences génétiques… L’Amérique n’en a pas fini avec ses cauchemars.

Une uchronie réussie

Sur ce thème on a lu autrefois Autant en emporte le temps de Ward Moore, où la confédération avait gagné face à l’union, pérennisant ainsi l’esclavage mais il ne s’agissait pas cependant de son sujet principal. Underground Airlines propose une fiction crédible où on sent que l’auteur s’est non seulement documenté mais a imaginé jusqu’où irait les conséquences sociales de cette permanence de l’esclavage aux Etats-Unis. Le résultat est impressionnant et glaçant. Il s’inscrit aussi, comme le note très justement Bertrand Campéis dans sa postface, dans une culture américaine marquée par la guerre civile et un double antagonisme Nord/Sud et Blancs/Noirs.

Underground Airlines fournit une occasion de se replonger dans ces débats très contemporains (songeons à la tuerie de Charlottesville en 2017) et puis, soyons clairs, c’est un roman très réussi : enjoy !

Sylvain Bonnet

Ben H. Walters, Underground Airlines, traduit de l’anglais (États-Unis) par Eric Holstein, postface de Bertrand Campéis, ActuSF, octobre 2018, 440 pages, 19,90 eur

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