Okavango, le sang du Bush

Grand voyageur, Caryl Férey nourrit de ses errances ses romans, noirs comme l’acier. Citons parmi ses réussites Zulu (Gallimard, 2008), Condor (Gallimard, 2016), Paz (Gallimard, 2019) ou Lëd (Les Arènes, 2021), sans compter les livres qu’il consacre à un antihéros par excellence, Mc Cash : Plutôt crever (Gallimard, 2002) ou Plus jamais seul (Gallimard, 2018). Okavango, paru l’été dernier, se déroule en Namibie et a comme sujet le braconnage. Et les ombres de l’Apartheid rodent encore…

Meurtres dans un parc naturel

« D’étranges rumeurs couraient sur Wild Bunch ; elles disaient que les hommes s’y transformaient la nuit, que les empreintes de leurs pas disparaissaient soudain du sol, qu’ils devenaient lions, ou léopards, qu’ils tuaient au hasard ceux qui s’aventuraient sur leur territoire, qu’on retrouvait des cadavres lacérés au-delà des clôtures électrifiées, à demi dévorées… »

De nos jours, un jeune type est retrouvé mort dans la réserve animalière de Wild Bunch, non loin de la frontière namibienne. La ranger Solanah Betwase est chargée de l’enquête et se rend place. Elle y rencontre le propriétaire, un quinquagénaire blanc nommé John Latham, qui vit là avec la peuplade San qui l’a adopté. Il avait même épousé l’une des leurs mais elle est décédée depuis longtemps. Solanah se sent attirée par lui. Mais son enquête est troublante, Latham ressemble à un ancien soldat de l’armée sud-africaine du régime de l’Apartheid, porté disparu… Plus elle avancera dans son enquête, plus le trouble grandira. Surtout que le braconnage semble la vraie cause du meurtre, mêlant le célèbre Scorpion, tandis que les assassinats d’animaux sauvages tels les rhinocéros se multiplient, rendant fou furieux John Latham.

Sur le fil du rasoir

Comme à son habitude, Caryl Férey livre avec Okavango un roman âpre, se déroulant dans le milieu des réserves africaines, loin donc de l’opinion publique européenne. On est pris par l’intrigue et les personnages, parfois mus par des pulsions contradictoires : humain, trop humain ! le souvenir des guerres menées en Angola du temps de l’Apartheid hante aussi le roman… Et ces animaux qu’on admire tant en furent aussi des victimes. C’est prenant, dur, violent.

Okavango est une réussite.

Sylvain Bonnet

Caryl Férey, Okavango, Gallimard « série noire », août 2023, 544 pages, 21 euros

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