Guerriers et paysans de Georges Duby, le Moyen-âge pouvait être lumineux
Un héritier de Fernand Braudel et de Georges Dumézil
Georges Duby (1919-1996) fut professeur d’histoire médiévale au collège de France de 1970 à 1991. Il fut ce qu’on a appelé un partisan de l’école des Annales et de Fernand Braudel, intégrant l’histoire des mentalités et de ses représentations dans ses recherches. Il a aussi été influencé par Georges Dumézil, dont il a repris la théorie « trifonctionnalité » (c’est-à-dire ceux qui prient, ceux qui guerroient, ceux qui travaillent) que ce dernier avait identifié dans la Rome antique et en Inde. Guerriers et paysans, publié initialement en 1973, a été réédité l’année dernière et est typique de cette démarche.
Le temps long du démarrage
Et voici donc une fresque de l’histoire occidentale, où guerriers et paysans se font face au sein d’une société qui n’est pas figée mais où les évolutions sont lentes (du VIIe au XIIe siècle). Duby privilégie une approche d’abord économique. Il a comme souci de montrer comment, après la crise des invasions et de la fin de l’Empire romain, l’économie, essentiellement agricole, redémarre peu à peu. Il réévalue ainsi l’époque carolingienne tout en déplorant le manque de sources, particulièrement après l’époque de Charlemagne.
Si on le suit, malgré les ravages des Vikings, la conjoncture économique est relativement bonne, avant la grande époque des défrichements des Xe, XIe et XIIe siècles qui génèrent de bonnes récoltes nécessaires à une population en pleine croissance.
Des paysans qui s’émancipent
Contrairement à certains clichés, Duby décrit des paysans qui peu à peu sortent de la dépendance féodale et progressent en autonomie, tant au nord qu’au sud de la Loire (même s’il y a des inégalités). L’église favorise in fine ce mouvement, surtout qu’elle ne sait pas encore gérer efficacement ses domaines. Notons aussi que selon notre auteur les villes deviennent à la fin de la période un moteur de la croissance, particulièrement en Italie du nord. On est ici loin, très loin d’un Moyen-âge immobile et stérile.
Guerriers et paysans de Georges Duby, il faut le souligner, est toujours actuel (et bien écrit).
Sylvain Bonnet
Georges Duby, Guerriers et paysans, Gallimard, « Folio Histoire », janvier 2021, 464 pages, 9,20 eur