Louis XVIII, le dernier roi de France
Voici la réédition d’une biographie de Louis XVIII due à plume de l’historien britannique Philip Mansel, spécialiste de notre belle contrée francophone à qui on doit Paris, capitale de l’Europe (Perrin, 2020) et Louis XIV, roi du monde (Passés composés, 2020). Cet ouvrage eut un certain succès en son temps, voyons s’il a bien vieilli.
Du cadet qui conspire…

De fait, le futur Louis XVIII, alors comte de Provence, a eu un rôle pour le moins ambigu durant sa jeunesse. Marié à une femme qu’il n’aime pas (et qui fait des fausses couches, le privant d’une progéniture), gros, Provence se sait plus intelligent, plus spirituel que son aîné Louis XVI. Et, comme tout cadet de famille royale, il se cherche un destin, sachant la route du trône barrée par la naissance des fils de Louis XVI et Marie-Antoinette. Provence ne conspire pas mais médit… Puis il cherche à jouer un rôle politique durant cette Révolution qui s’annonce, se prononce pour le doublement du tiers : un peu de popularité ne fait pas de mal. Contrairement à son frère Artois, Provence reste en France après la prise de la Bastille et intrigue. Son nom est mêlé à l’affaire Favras, un complot obscur qui fait du bruit. Il choisit d’émigrer au moment de la fuite à Varennes. Et multiplie les déclarations provocantes qui fragilisent la position d’un Louis XVI devenu monarque constitutionnel (sous surveillance). Avec des frères pareils, pas besoin d’ennemi. Provence se proclame Régent après l’exécution de son frère, puis roi à la mort de son neveu. Mais roi de quoi ?
Au roi malgré tout
Le voilà Louis XVIII, errant à travers l’Europe tandis que les armées de la République triomphent. Louis XVIII ne cesse jamais de croire en son étoile, même lors des plus grands triomphes de Napoléon. C’est sa force. Il entretient un réseau d’espions, modère ses déclarations, commence à imaginer le régime qu’il veut créer en France. Il faut dire qu’en vivant en Angleterre, il a de quoi observer et réfléchir. Ses relations avec son frère Artois, virtuellement son héritier, ne sont pas simples car ce dernier affiche sa nostalgie de l’Ancien Régime et sera le chef des ultraroyalistes. En 1814, la défaite de Napoléon offre à Louis XVIII une occasion inespérée dont il se saisit, avec le soutien anglais. Le contexte de la rédaction de la Charte est bien expliqué par Philip Mansel : c’est la première fois que la France fait l’expérience du parlementarisme, une expérience qui ne s’interrompt pas d’ailleurs avec les cent jours. Louis XVIII s’impose de nouveau après Waterloo, malgré les intrigues du duc d’Orléans, malgré le discrédit qui l’entoure après sa fuite en mars… Louis XVIII réussit toujours à rebondir.
La Restauration, une occasion manquée ?
Cette biographie est aussi un retour sur la période 1815-1824, un moment où la vie politique se développe malgré des oppositions parfois virulentes et des accès de violence politique (l’assassinat du duc de Berry). Louis XVIII est l’homme d’un projet politique qui vise à créer un régime libéral, parlementaire, inspiré de l’Angleterre. Elie Decazes, son favori, son « fils » (Louis XVIII est un homme qui cherche de l’affection) tente ainsi de royaliser la nation et de nationaliser la monarchie. Malade de la goutte, Louis XVIII a manqué de temps. Reste que son « régime » avait des chances de durer… Si Charles X, le comte d’Artois son frère, avait été intelligent et n’avait pas cherché par ses inconséquences le conflit avec la chambre des députés (sans compter cette maudite expédition d’Alger). Cette biographie est en tout cas une bonne occasion de se repencher sur la vie de ce roi mal aimé, certainement le plus intelligent de sa fratrie.
Sylvain Bonnet
Philip Mansel, Louis XVIII, traduit de l’anglais par Denise Meunier et Artémis Chanter, Perrin « Tempus », septembre 2024, 768 pages, 12 euros