Devenir révolutionnaire, le militantisme radical contemporain

Voici un ouvrage qui nous donne beaucoup de renseignements sur l’engagement autonome. Ce mouvement comprend plusieurs dizaines de personnes en France aujourd’hui et ils sont plus connus sous les noms d’ « ultra gauche », « zadistes », « antifas » ou bien « blacks-blocks ». Ils font la Une de l’actualité lors de certaines manifestations. Mais qui sont-ils ? Quels sont les facteurs qui motivent et nourrissent leurs engagements ?

C’est à ces questions et à bien d’autres que répond ce livre dense de pure sociologie politique, avec de nombreuses notes de bas de page, de plus très bien écrit.

Un ouvrage écrit par un sociologue, spécialiste de l’engagement autonome

Le moins que l’on puisse dire est que l’auteur s’y connait en mouvement autonome. Il est spécialiste du sujet. Pour preuve, il a soutenu une thèse de doctorat en 2017 sous le titre suivant : « La politisation du terrain militant « radical ». Ethnographie d’un squat de l’Est parisien ». Aujourd’hui, il est chercheur associé au laboratoire CARISM de l’Université de Paris 2 et enseignant à l’Université de la Réunion.

Qui sont-ils ?

Pour répondre à cette question, il faut lire la première partie de cet ouvrage. Cette dernière est basée sur des récits de vie de personnes ou même de familles qui sont des militants autonomes. On y apprend, témoignages à l’appui, que dès l’enfance, on reçoit selon les origines sociales des parents « un héritage » d’idées pour être un autonome. L’engagement parental y joue pour beaucoup, surtout si les parents possèdent une idéologie d’extrême gauche, ancrée dans le passé familial. Ainsi est très bien décrit l’histoire migratoire des parents de Pablo, ayant fui le Chili, et qui ont transmis un engagement contestataire à leurs enfants. L’inverse peut également se faire : des enfants peuvent transmettre aussi à leurs parents leurs « idées radicales ». L’ouvrage fourmille d’exemples illustrés par des tableaux des catégories socio-professionnels ou bien des schémas.

Cependant, il n’y a pas que l’héritage familial qui peut entrer en compte dans cet engagement politique. L’école, les copains jouent également un rôle non négligeable. La violence à l’école, l’échec scolaire, l’indiscipline peuvent contribuer à s’engager dans cette mouvance. L’ouvrage fait également preuve de psychologie avec de très bonnes analyses.

Quels sont les facteurs qui motivent leurs engagements ?

La deuxième partie de l’ouvrage nous explique l’entrée dans l’engagement « actif ». De grands troubles sociaux (De Mai 68 aux années 2007-2008) ont été des « lampes de lancement », pour reprendre la terminologie de l’ouvrage, et en premier lieu le mouvement lycéen. Là encore, l’auteur s’appuie sur des témoignages individuels.

Mais, dans cette radicalité politique, il peut y avoir différentes trajectoires. C’est l’objet de la dernière partie de l’ouvrage. L’auteur analyse aussi bien les trajectoires « individuelles » que les trajectoires « collectives » avec le mouvement des « Va-nu-pieds » tout en précisant le jeune âge de ce militantisme d’action : d’un point de vue « biologique » (entre seize et vingt-cinq ans) et aussi « militant » (généralement au début de leur carrière).

Au final, il s’agit d’un ouvrage agréable à lire qui fourmille de témoignages de vécus militants. Il donne aussi une très bonne grille d’analyse de ceux qui composent les mouvements autonomes aujourd’hui. Un livre que je recommande pour les personnes qui souhaitent mieux connaitre ces mouvements mais également aux étudiants de sociologie qui trouveront de nombreux exemples pour illustrer leurs travaux.

Franck Dupire.

Colin Robineau, Devenir révolutionnaire, sociologie de l’engagement autonome, La Découverte, avril 2022, 218 pages, 20 euros

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