Les Natchez, l’énigme du passage à l’acte et du massacre

Auteur de L’Amérique fantôme : les aventuriers francophones du Nouveau Monde (Flammarion, 2019), Gilles Havard, directeur de recherche au CNRS s’est imposé comme le spécialiste de l’Amérique coloniale française. Ici, il revient sur l’histoire d’un peuple indien, les Natchez, et d’un massacre oublié.

Un massacre incompréhensible

Nous voici transportés au temps de la Louisiane française où vivent dans les années 1720 4000 à 5000 personnes, esclaves compris, à côté de peuples indiens dont les Natchez. Ceux-ci sont des alliés des français depuis leur arrivée. Certains colons ont ainsi épousé des femmes Natchez, signe d’une coexistence pacifique. Or, le 28 novembre 1729, les Natchez envahissent le fort Rosalie et massacrent 200 français, des hommes, épargnant la plupart des femmes et des enfants, ainsi que les esclaves noirs. C’est un choc, au moins 10 % des colons disparaissent. Pour les français, au premier rang, le gouverneur Etienne de Perier, c’est une révolte. Les français réagissent comme des européens, héritiers de l’ancien monde. Et organisent une répression féroce, menant les Natchez au bord de l’extinction…

Restaurer l’ordre du monde ?

Adoptant une démarche d’ethnographe, Gilles Havard essaie de comprendre la société Natchez pour mieux comprendre comment ils en sont arrivés à commettre ce massacre. Société dualiste, les Natchez ont engendré une économie du sacrifice afin de préserver l’équilibre du monde. Or l’arrivée des français bouleverse cet équilibre. Ils construisent des postes, vivent à côté des Natchez qui les voient comme des égaux mais qui ont aussi perçu leur irrémédiable différence… Le massacre du 28 novembre 1729 peut être ainsi interprété comme une volonté de rétablir l’équilibre cosmique. La répression française détruit en tout cas la société Natchez. Les survivants vont trouver refuge chez les Cherokee et les Creek, loin de la Louisiane. Loin de l’image d’une colonisation pacifique, cet ouvrage parfois ardu mais toujours passionnant aide à comprendre la complexité des relations franco-indiennes au XVIIIe siècle.

Sylvain Bonnet

Gilles Havard, Les Natchez : une histoire coloniale de la violence, Tallandier, janvier 2024, 608 pages, 26,90 euros

Laisser un commentaire