Penser et écrire la guerre d’Hervé Drévillon : Peut-on se passer de Clausewitz ?

Un historien de la guerre

On connaît Hervé Drévillon, professeur à l’université Paris I, pour son ouvrage L’Impôt du sang (Tallandier, 2005) et pour avoir dirigé deux séries assez monumentales : Histoire militaire de la France chez Perrin et Mondes en guerre chez Passés composés. L’année dernière, il a publié un ouvrage plutôt polémique, Penser et écrire la guerre, contre Clausewitz, chez Passés composés, où il se proposait de remettre en cause la pensée du célèbre prussien.

Une pensée caricaturée

Disons tout de suite que l’ouvrage a secoué le monde des historiens de la chose militaire. En s’appuyant sur la pensée des auteurs militaires contemporains de Clausewitz (dont Jomini), Hervé Drévillon dénonce sa pensée et sa réflexion comme essentialiste, idéaliste, dogmatique. Il ouvre ainsi un débat historiographique sur l’analyse d’une pensée contemporaine des succès des armées de la Révolution et de l’Empire que, pour sa part, il rejette, semblant rejeter toute théorisation de la guerre. Diantre, Raymond Aron doit se retourner dans sa tombe.

Clausewitz mérite-t-il vraiment toute cette hargne ? L’auteur voit la pensée Clausewitzienne comme figée, statique : il ne prend pas en compte le processus de développement de la pensée de Clausewitz durant les trente années de son élaboration.

Comment penser la guerre ?

Si on refuse tout système de pensée, alors ne reste-t-il que l’empirisme ? Que faire de la tactique et de la pensée opérative, juste une vision des combats à l’échelle du soldat ?  Clausewitz a essayé de penser la guerre dans sa globalité et sa totalité, à un moment où celle-ci avait changé : le moment 1792-1815 voit un affrontement à dimension mondiale (il y avait certes eu le précédent de la guerre de sept ans), avec des effectifs importés et aussi une dimension idéologique. On regrette donc qu’Hervé Drévillon ne propose au fond pas grand-chose face à Clausewitz, même si son ouvrage a le mérite de mettre en lumière la pensée de d’autres penseurs de la chose militaire.

Penser et écrire la guerre est en tout cas un essai stimulant.  

Sylvain Bonnet

Hervé Drévillon, Penser et écrire la guerre, contre Clausewitz, passés composés, octobre 2021, 352 pages, 23 eur

Laisser un commentaire