Philippe Egalité, le prince de la Révolution
Auteur des biographies de l’impératrice Eugénie (Belin, 2017) et de Marie-Amélie, la dernière reine (Tallandier, 2021), Raphaël Dargent a choisi de consacrer une nouvelle biographie du duc Philippe d’Orléans, dit Philippe Egalité, cousin de Louis XVI et surtout régicide. Et on va voir qu’il y a de quoi dire, une légende noire entourant le personnage depuis plus de deux siècles.
L’héritier des cadets

Raphaël Dargent explique dès l’introduction qu’on ne peut, en somme, résumer la vie du père de Louis-Philippe à son vote de janvier 1793. A raison, il nous entraîne dès le premier chapitre dans l’histoire de cette branche cadette, proche du pouvoir et en conflit avec les Bourbons d’Espagne pour se placer en cas d’extinction de la branche aînée. Cette branche aînée, avec Louis XV (dont le Régent Philippe d’Orléans fut un des mentors), se porte bien mais se méfie de ces cousins très riches. Le futur Philippe Egalité grandit dans cette ambiance étrange, faite de jalousie et de ressentiment. Les Orléans en effet tiennent à leur rang et il le fera savoir. Détesté de Louis XV, le duc de Chartres (l’héritier des Orléans porte toujours ce titre tant que son père est en vie) affiche ostensiblement son soutien aux parlementaires lors du coup de majesté orchestré par le chancelier Maupéou. L’avènement de Louis XVI amène le rappel des parlements (erreur fatale du jeune roi) mais ne change guère la situation de Philippe qui rêve d’une carrière dans la marine. En attendant les lauriers de la gloire, il mène une vie de débauché malgré son mariage avec la fille du duc de Penthièvre, descendant d’un bâtard de Louis XIV. Le combat d’Ouessant met un terme à sa carrière dans la marine : on l’accuse de couardise, ce qui est faux, et d’avoir mal exécuté les ordres, ce qui se discute. Le cours des choses aurait été bien différent si le futur Philippe Egalité était resté marin… Les humiliations subies forgent parfois un destin.
Les mythes derrière l’histoire
Le cadet tient à sa liberté. Ses séjours en Angleterre l’ont familiarisé avec les libertés politiques et il continue de cultiver son image d’opposant. Désormais fâché avec la reine (après en avoir été proche, beaucoup gloseront), le duc de Chartres est coupé de Versailles. Il spécule autour du Palais Royal et regroupe autour de lui des littérateurs ou des aristocrates en rupture de ban : citons Brissot et Choderlos de Laclos. Tandis que l’Ancien Régime entre dans sa phase terminale et que la Révolution commence, ses affidés rêvent de le voir jouer un rôle. De fait, Philippe, devenu duc d’Orléans à la mort de son père en 1785, voit son moment arriver en 1789. Mais il échoue. Piètre orateur, Mirabeau lui vole la vedette. Certains agitateurs – et voilà la faction d’Orléans qui arrive – profitent de son argent, peut-être joue-t-il un rôle dans les évènements d’octobre 1789 où le peuple de Paris va chercher le roi à Versailles. Mais Orléans se rebiffe. Légaliste, il ne veut pas s’engager dans une rébellion ouverte. Envoyé à Londres pour une mission diplomatique, il comprend vite qu’on a voulu l’éloigner. Mais l’histoire va trop vite pour le duc d’Orléans, comme le montre Raphaël Dargent, dépassé par plus radicaux que lui. Velléitaire et irrésolu, il commet aussi pas mal d’erreurs politiques comme de renoncer à ses droits à la régence… Elu à la convention tandis que son fils Louis-Philippe est auprès de Dumouriez, qu’attendait-il au juste ? Arrêté, il fait face à son procès avec un certain panache et affronte son exécution avec courage (il n’en manquait pas). Cette biographie dense et précise retrace avec le maximum de justesse un itinéraire sinueux.
Sylvain Bonnet
Raphaël Dargent, Philippe Egalité, Tallandier, janvier 2025, 528 pages, 25,90 euros