Grands diplomates, des hommes qui durent gérer les changements du monde

La diplomatie et l’histoire

Ancien secrétaire général de l’Élysée de François Mitterrand, ancien ministre des affaires étrangères de Lionel Jospin et Jacques Chirac, Hubert Védrine est un diplomate reconnu et respecté. C’est à lui que les éditions Perrin ont fait appel pour coordonner un ouvrage intitulé Grands diplomates, une collection de portraits pour lesquels il a fait appel à des historiens réputés. Citons Simone Bertière, Jean-Paul Bled, Edmond Dziembowski, Charles-Eloi Vial, Sophie Lorrain. Il y a aussi des diplomates comme Bertrand de Montferrand ou Sylvie Bermann et des journalistes comme Emmanuel Hecht, Jean-Christophe Buisson ou Alain Frachon. Bel aéropage pour un ouvrage ambitieux !

Des politiques, des intellectuels, des stratèges

On trouve de tout dans cette sélection. De Mazarin , homme d’église au parcours bien décrit par Simone Bertière, à Kissinger et Brzezinski, des universitaires, sans compter des politiques comme Pitt, Bismarck, Briand, Disraëli ou Stresemann et un ancien évêque comme Talleyrand (très bonne contribution de Charles-Eloi Vial). Ils sont majoritairement européens, même si on compte un chinois (Zhou Enlai), un africain (Annan) et un égyptien (Boutros-Ghali). Tous sont amenés à diriger ou à influencer la politique étrangère de leur pays, généralement une grande puissance. La duplicité est une qualité, comme le démontre Bismarck face à Napoléon III en 1870. Mais la qualité nécessaire c’est l’intelligence des rapports de force et la capacité à analyser une situation à court et à long terme. Après la guerre de 1870, Bismarck sait que l’Allemagne du IIe Reich a atteint son point de saturation. Si elle domine, elle doit maintenant rassurer les autres puissances comme la Russie ou l’Angleterre et finalement maintenir une paix qui lui est favorable. Le sens de la manœuvre est aussi primordial : la manière dont Talleyrand au congrès de Vienne réussit à ramener la France vaincue au cœur du jeu est magistrale. Il est important enfin d’avoir un « système » de pensée comme Kissinger en son temps.

Un monde instable

Depuis la fin de la guerre froide et de l’affrontement entre capitalisme et communisme, on avait cru à la fin de l’histoire. De grands diplomates onusiens comme Annan ou Boutros-Ghali se sont alors imposés afin de promouvoir le droit international, les droits de l’homme, la paix. Le retour de la guerre en Europe a sonné pour la majorité le glas de ses espoirs. On pourrait croire au retour de la diplomatie et de la realpolitik de Kissinger sauf que le métier de diplomate change : on le voit en France avec la réforme du Quai d’Orsay. Et puis beaucoup « se piquent » de diplomatie. Dans ce monde où les occidentaux ont perdu le monopole de la puissance, face à la montée des périls un peu partout, il est bon de lire cet ouvrage et de découvrir ce qu’est la pratique de la grande diplomatie.

Sylvain Bonnet

Hubert Védrine (sous la direction de), Grands diplomates, Perrin, janvier 224, 416 pages, 25 euros

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