Sens interdit[s], une enquête de l’Embaumeur par Jacques Saussey
La petite ville de Sens, au sud-est de Paris, en plein coeur de la Bourgogne, est le lieu d’une série de morts terribles. D’autant plus qu’il s’agit d’enfants. Et ces morts improbables parce qu’il semble s’agir d’une succession d’accidents sans lien les uns avec les autres… Leur point commun, pourtant ? Les victimes sont les fils des édiles locales. Engagé dans ce dossier sensible, Luc Mandoline « l’Embaumer », personnage de thanatopracteur freelance créé par Stanislas Petrovsky, va enquêter et révéler les dessous pas toujours chic d’une grande bourgeoisie au-dessus de tout soupçon. C’est cette ambiance lourde que Sens interdit[s] propose aux lecteurs.
des enfants morts
Mandoline intervient après qu’une première enquête a échouée. Et il succède au médecin légiste local, dont le fils est la dernière victime. Enquête sensible parce qu’il faut tout refaire, réinterroger les parents et chercher le point commun. L’enquête initiale a déjà exclu les écoles et les clubs. Toutes les familles ne se fréquentent pas, ne sont pas du même monde ni du même quartier. Mais Mandoline en est certain, il y a un lien entre tous ces petits corps violenté : fracasse contre un train, noyé dans un marécage boueux, détruit de l’intérieur après avoir bu du débouche-tout, pendu…
Avec un humour parfois un peu trop lourd (un humour de légionnaire, dira-t-on, et ça tombe bien !), Jacques Saussey dresse le portrait d’une petite communauté d’édiles pris par un ensemble de disparitions terribles. A priori sans lien les uns avec les autres, des « accidents » tuent des enfants, mais il est persuadé qu’il y a un meurtrier derrière chaque petit cadavre. Et que tous sont liés. Mais combien faudrait-il de haine envers les parents pour infliger cela à leurs enfants ? Et quel affreux secret pourrait lier entre deux ces parents pour qu’ils aient mérité cela ?
un avatar de l’Embaumeur
S’il n’est pas aussi à l’aise avec le personnage de l’Embaumeur qu’un Nicolas Lebel dans La Piste aux étoiles par exemple, c’est parce que Jacques Saussey n’a pas pu y mettre toute la légèreté voulu. La faute à un sujet difficile, qui touche aux enfants. Et la faute aussi à un style personnel beaucoup trop ciselé pour faire du roman de garde (on évitera à dessin le terme de pulp…). Bien sûr il y a du sexe, des scènes d’action, de la bagarre, des jeux de mots à foison, mais c’est plus un Saussey qu’un Embaumeur.
Avec Sens interdit[s], Jacques Saussey donne un vrai frisson et montre à quel point il est capable d’emporter son lecteur dans une aventure à cent à l’heure tout en le maintenant dans les plus sombres profondeurs de l’âme humaine.
Loïc Di Stefano
Jacques Saussey, Sens interdit[s], La Mécanique générale, mai 2021, 215 pages, 9,90 eur