La Route du Lac, thriller sans répit de Xavier Massé

On pourrait se croire dans une comédie à la française, avec un groupe d’amis qui se retrouvent pour un anniversaire. Mais non, on est dans un thriller de Xavier Massé, cela va donc se passer autrement. Bienvenue à Blaches, près de Lyon, en prenant La Route du lac. Semée de mystères, et de cadavres…

Une si belle soirée

Blaches. Un nom qui sonne comme un coup de hache. En patois du sud-est de la France, c’est un taillis, ou un marais. On s’y perde, on s’y enfonce… C’est dans ce lieu au nom peu avenant, mais prémonitoire, qu’un lac artificiel a été construit, une base de loisir, un endroit pour les jeunes. Lieu prisé, festif, idéal. Un village où tout le monde se connaît. C’est là que va se dérouler une petite soirée d’anniversaire aux lendemains qui déchantent.

Le corps d’une jeune femme est retrouvé. Deux hommes ont disparu, l’un est vite repéré, complètement défoncé, errant dans la forêt, sans plus aucun souvenir de rien. Quant à l’autre… Trois amis d’enfance, qui n’ont que des amis. Trois bons vivants… jusqu’à Blache. La gendarmerie se lance dans un jeu de reconstruction improbable. Tous les témoins, présents à la soirée, sont interrogés par un duo efficace, le capitaine de gendarmerie Michel Leroy et le lieutenant Anthony Ramazzy. Il faut éliminer les fausses pistes (mais le sont-elles vraiment ?) et se concentrer sur les proches, la famille, le cercle des intimes, ceux qui étaient à la soirée. L’enquête va dépasser les compétences locales, et mettre la sérénité du petit village en morceaux. Le lac, chance pour le village, va en devenir le linceul.

Des routes sinueuses…

Le soir se posait sur Blaches et ses habitants. Le soleil descendait lentement tandis que la brise, aussi légère qu’une plume, donnait la chair de poules aux promeneurs. Un moment de paix pour certains, de réflexion pour d’autres. Un petit instant pendant lequel chacun se retrouvait face à lui-même.

Xavier Massé sait construire des thrillers à chausse-trappes. Plus on lit, plus on accumule les certitudes, et toutes vont se dissoudre dans une révélation finale brillante. Le récit tient le lecteur en haleine par la qualité du fil directeur, pourtant haché par des allers-retours incessants dans le temps. La chronologie saccadée ajoute à la reconstitution lente (1). Tout se trouble, surtout les certitudes, notamment celle du lecteur de comprendre qui est du côté du Bien et qui est du côté du Mal. Les personnages sont ainsi conçus, dans une belle richesse et une force qui attire l’empathie, qu’ils sont indéfinissables. Ils ont tous un secret, même Rémi, le gentil, le souriant, que tout le monde aime, parce qu’il « redonne du peps », et qui aurait été le témoin de toute la soirée, cachée au fond de sa musique…

Pourtant ils sont réels, ils parlent (mal) comme on entend parler aujourd’hui, c’est au plus proche, dans la chair. On sent les émotions, les non-dits, les rancœurs ravalées et qu’en cette soirée fatidique vont se libérer. Comme s’il fallait un exutoire à toutes les tensions accumulées, derrière la carte postale, depuis des années.

Xavier Massé tisse une histoire sombre avec La Route du lac, thriller psychologique parfaitement maîtrisé, dont le lecteur est le jouet, et qui doit reconstruire un puzzle infernal.

Loïc Di Stefano

Xavier Massé, La Route du Lac, Taurnada, septembre 2023, 288 pages, 9 euros

(1) Jeu de reconstitution et de lenteur qui faisait aussi le sel de 30 secondes chrono.

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