Jean-Jacques Nuel passe une Saison avec Dieu

Et si, dans votre collocation d’étudiant, vous vous retrouviez en compagnie de Dieu ? non pas avoir découvert la foi, non pas un illuminé qui se prend pour Dieu, mais vivre, physiquement, réellement, avec Lui ! C’est l’expérience d’une année de collocation que Jean-Jacques Nuel détaille avec humour et beaucoup d’intelligence dans Une saison avec Dieu.

Dieu est mon colocataire

Quel étonnement pour le narrateur quand il se rend compte que son colocataire, discret et fort sage, n’est autre que Dieu. Non pas un illuminé qui se prend pour Dieu, mais junky, mais Dieu Lui-même, matérialisé dans le corps modeste d’un homme de peu de chose. Rien de remarquable, d’extravagant, ni dans les personnages de Une saison avec Dieu ni dans le récit en lui-même, ni dans la grande aventure de cet homme qui partage le quotidien si peu conventionnel.

Et ne me faîtes pas dire ce que je n’ai pas dit : Dieu n’était pas mon ami. Dieu n’a pas d’amis. Dieu n’a pas besoin d’amis. Mais nous avions une relation simple, sincère et une vraie complicité. Proches l’un de l’autre, nous savions aussi rester à la bonne distance et ne pas aller trop loin dans la familiarité. Un principe nous était commun : chacun respectait l’intimité de l’autre. Certes, je ne suis pas dupe, cette relation était déséquilibrée, asymétrique : Dieu pouvait lire en moi comme dans un livre ouvert tandis que lui me restait largement impénétrable et inaccessible. Mais la règle, tacite, n’en avait pas moins été posée entre nous — et je lui sais gré d’avoir fait comme si. »

Il ne s’agit jamais de convaincre mais de relater un fait. Un fait sans preuve sinon ce témoignage. Ou alors des preuves romanesques, comme cette confrontation avec l’absence d’humour de Dieu. Le narrateur étant convaincu qu’avoir de l’humour c’est pouvoir prendre du recul sur les choses, faut admettre que Dieu étant partout à la fois, sur quoi prendre du recul ? Ainsi, de toute chose, par un raisonnement logique et serein, chaque petite étrangeté du colocataire devient pour le narrateur une qualité divine.

Dieu est un colocataire sympa

Le récit percute beaucoup par sa modestie mais aussi par sa naïveté, feinte bien sur, Nuel est plus malin que cela. Dieu est là, suffisant à lui-même. Dieu est mon colocataire et je ne vais pas lui demander de preuves de Sa puissance. Sa présence n’est pas contestée. Tout — le quotidien comme les sorties au musée, la répartition des tâches ménagères et la vie elle-même — sur le principe de non remise en doute du statut de Dieu. Et Dieu est finalement facile à vivre ! Ainsi, on pourra dire que le narrateur s’emporte, ou qu’il est face à une vérité bien supérieure à sa capacité de jugement. Mais cette immédiateté dans la relation est une des clés d’Une saison avec Dieu.

Une saison avec Dieu est un texte court mais très prenant, qui marque par son intelligence et son à-propos. Mine de rien, sans grands effets de manche et avec un certain détachement dans le récit même, comme une distance pour éviter le pathos, Jean-Jacques Nuel nous embarque dans cette improbable rencontre dont, au final, on sort grandit.

Loïc Di Stefano

Jean-Jacques Nuel, Une saison avec Dieu, Le Pont du change, 130 pages, 14 eur

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