Avis de grand froid, Charyn l’ironique

Un pilier du polar

Connu surtout comme l’auteur de Zyeux bleus (Gallimard, 1977)  et de Marylin la dingue (Gallimard, 1977) qui ont lancé la carrière de son personnage fétiche, le commissaire Sidel, le new-yorkais Jérôme Charyn a écrit aussi des romans historiques, des essais, des bandes dessinées. Notons pour l’anecdote qu’il a même repris le personnage de Malaussène créé par Daniel Pennac — car celui-ci avait utilisé Sidel dans Des chrétiens et des maures — dans Appelez-moi Malaussène (Libio, 2000). Il est récemment revenu à son personnage fétiche, désormais figé dans les années 80 : Avis de grand froid voit d’ailleurs Sidel, un temps maire de New York, accéder aux plus hautes responsabilités…  

À la Maison-Blanche

Suite à la démission de J. Michael Storm, le candidat démocrate pourtant victorieux, son colistier Isaac Sidel est devenu président ! Le moins que l’on puisse dire est qu’il a du mal à s’y faire :

Isaac Sidel avait l’intention d’éliminer la pauvreté le premier jour de son mandat ; il parlait de subventionner les défavorisés. Ses plus proches collaborateurs durent se racler la gorge ; après quoi, ils firent comprendre à Isaac que ce n’étaient pas les défavorisés qui l’avaient catapulté à son poste et avaient déclenché un raz-de-marée démocrate, que pas un d’entre eux n’avaient voté.            

— Et alors ? S’était exclamé Sidel, n’empêche que c’est quand même honteux ! »

Premier président juif de l’histoire américaine, Sidel vit le plus souvent enfermé à la Maison- Blanche, entouré des membres de son cabinet et protégé malgré lui par les services secrets. Il ne trouve de réconfort que dans la compagnie de son pilote, Stef. Toujours son Glock à la ceinture, Sidel a fort à faire. Le bloc de l’Est est en train de s’effondrer, la mafia russe issue du Goulag cherche à l’assassiner avec la complicité d’une cacique du parti républicain tandis qu’un ancien premier ministre israélien vient d’arriver en secret en Amérique. Face à tous ces complots, Sidel devra faire à ses vieux réflexes de flic pour son sortir.

Ça déménage !

C’est intéressant de lire Avis de grand froid juste après une élection américaine qui a abouti à l’accession au pouvoir d’un vieux routier sans imagination, le contraire de Sidel. Pétri de folklore yiddish et plein de l’humour et de la gravité des habitants de Big Apple, Charyn donne ici un roman iconoclaste, dézinguant politiques, militaires, absolument tout l’establishment qui réduit parfois le POTUS (President Of United States, jargon de Washington) à un rôle de figurant.

On s’amuse, on rit jaune et on est triste à la fin car Avis de grand froid sera le dernier volume consacré à Sidel. À moins que…    

Sylvain Bonnet

Jerome Charyn, Avis de grand froid, traduit de l’anglais par Marc Chenetier, Rivages, septembre 2020, 350 pages, 21,90 eur

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