Louis-Ferdinand Céline et le cinéma, voyage au bout de l’écran

droit de réponse préalable

Avant de vous présenter cet ouvrage, je me dois de répondre aux « accusations » quelque peu fielleuses de M. Émile Brami.

Il me fait le grand honneur de citer l’un de mes livres sur Michel Audiard, lequel était un ardent défenseur de Céline et a plus d’une fois envisagé de porter l’un de ses livres à l’écran. Il en reparla au moment de la sortie du Pacha dans une déclaration quelque peu fantasque. Or, donc, après avoir repris ce passage, M. Brami s’abaisse à conclure (p 89) : « L’auteur ne cite pas ses sources ni aucun document préparatoire, aucune de ces annonces tonitruantes dont Audiard était coutumier, aucun article de journal qui vendraient corroborer cette information. » L’auteur c’est moi ! En tant qu’écrivain, je sais aussi lire entre les lignes. Celles de M. Brami me font passer au mieux pour un doux dilettante qui picore de ci de là des informations pour les disséminer dans son livre sans aucune rigueur, au pire d’affabulateur mettant dans la bouche d’Audiard des propos qu’il n’a jamais tenus (dans quel but ?). Je tiens à préciser à M. Brami et à tous ses séides que mes livres contiennent toujours TOUTES mes sources. Elles se trouvent en fin d’ouvrage. Je conseille donc à M. Brami d’aller compulser toutes les interviews d’Audiard que je cite ; je ne lui ferai pas le plaisir de lui dire où il trouvera celle qu’il évoque et le titille… Et puisque M. Brami me prend de haut, je vais lui asséner un coup bas : pourquoi – lui qui est si pointilleux sur les sources, jusqu’à citer le n° de dossier où vous pouvez retrouver un article à la Bibliothèque de l’Arsenal ! —, pourquoi, donc, refuse-t-il de donner les références de mon livre, se contentant d’écrire « dans la biographie qu’il lui consacre » (quel titre ? quel éditeur ? quelle année ?). 

L’incident est clos, passons aux choses sérieuses.

une œuvre non transposable ?

L’idée de Louis-Ferdinand Céline et le cinéma, voyage au bout de l’écran peut paraître saugrenue quand on sait qu’aucun des livres de Céline n’a bénéficié d’une adaptation cinématographique. Pourtant, les liens entre cet auteur hors norme et le septième art furent nombreux, à plusieurs niveaux.

Il y eut d’abord tous ceux qui espérèrent — et, parfois, annoncèrent — transformer les mots de Louis-Ferdinand en images. La première tentative remonte à loin, seulement quelques mois après la sortie de Voyage au bout de la nuit. Ensuite, vient une longue succession de projets inaboutis, jusqu’à feu François Dupeyron qui s’y cassa les dents. Des dizaines de plans tirés sur la comète, de scénarios plus ou moins aboutis, de tentatives vouées à l’échec. 

Dans la première partie de cet ouvrage, Émile Brami les répertorient toutes, apportant de nombreuses précisions. L’on se rend compte que l’on a parfois frôlé le film mais que divers incidents (dont le coût d’un tel projet) provoquèrent machine arrière. Les coulisses du cinéma sentent parfois le rance.

Faut-il le regretter ? Sans doute pas. Les écrits de Céline valent plus par son style inégalé, ses mots arrachés à tous les domaines, son incroyable construction des phrases. On ne sort jamais indemne d’une telle lecture et on en finit presque par oublier ce qui est raconté parce qu’assommé par le comment cela est raconté. 

Brami a tout à fait raison de dire que l’un des films qui se rapprochent le plus de l’univers célinien est le grandissime Il était une fois l’Amérique de Sergio Leone. Sauf que l’Italien fit preuve d’un peu plus d’optimisme que le Français. Mais on est bien en présence de chefs d’œuvre qui, loin de se confronter, se complètent.

Céline et le cinoche

La deuxième partie de l’ouvrage porte sur l’attachement que Louis-Ferdinand Céline nourrissait pour le cinoche. On aurait pu croire qu’il le considérait comme un parent abâtardi de la littérature, il n’en fut rien. Il chercha avec véhémence à faire des films de ses livres et tenta même d’écrire un scénario. De plus (et on l’a totalement oublié), il fit de courtes apparitions dans plusieurs productions, particulièrement celles de son ami Abel Gance. 

Enfin, dans une troisième partie, l’auteur étudie les « autres possibilités », évoquant surtout la bande dessinée et s’attardant — à juste titre — sur le formidable travail d’illustration de Tardi pour les éditions Futuropolis (l’interview de Jacques Tardi qui clôt l’ouvrage est passionnante).

Il ressort de cette lecture un aspect méconnu de la personnalité de Céline. Certes, il ne perd jamais de son mordant et écorche vif les gens de cinéma qui ont fini par repousser ses projets mais son attrait pour le septième art dénote une curiosité pour un art nouveau qui n’a jamais cesser d’évoluer. Céline n’était pas le reclus misanthrope que l’on a trop souvent caricaturé.

Quarante photos viennent illustrer ce parcours. On est étonné de voir celles montrant Céline figurant et ravi de revoir miss Edwige Feuillère nager en tenue d’Ève à ses débuts. 

Philippe Durant

Émile Brami, Louis-Ferdinand Céline et le cinéma, voyage au bout de l’écran, Écriture, octobre 2020, 207 pages, 22 eur

PS : Sur Céline et le cinéma, on consultera aussi l’émission spéciale qui lui a été consacrée sur les ondes de Radio Courtoisie ainsi que, pourquoi pas, le film Louis-Ferdinand Céline où Denis Lavant est extraordinaire.

Laisser un commentaire