Le téléphone carnivore de Jo Nesbo : une histoire pleine de chausse-trapes 

Une valeur sûre du polar scandinave

Le norvégien Jo Nesbo s’est fait connaître depuis vingt-cinq ans avec la série de romans consacrée à Harry Hole et inauguré par L’homme chauve-souris. Il a aussi écrit d’autres romans comme MacBeth (Gallimard, 2018) ou Leur domaine (Gallimard, 2021) ainsi que des recueils de nouvelles comme De la jalousie (Gallimard, 2022), des signes de sa polyvalence. Le téléphone carnivore a une toute autre ambition comme on va le voir.

Vers la folie et après

« T-t-t-t’es dingue, fit Tom, et je sus qu’il avait peur, car son bégaiement comptait une répétition de plus que d’habitude.

Brandissant la figurine au-dessus de ma tête, je me tenais prêt à la jeter en amont de la rivière, à contre-courant. Un cri retentit dans les bois denses alentour, comme un avertissement. Cela ressemblait à une corneille. »

Richard se balade avec son copain Tom. Il a quatorze ans, l’âge des conneries. Surtout qu’il est orphelin et élevé par son oncle et sa tante. Son seul ami est Tom, un bègue. Et voilà que lors d’une mauvaise blague faite à un certain Imu dans une cabine téléphonique (quelque chose qui n’existe pratiquement plus), le téléphone avale littéralement Tom… personne ne croit Richard bien sûr, bientôt suspecté par la police, qui ne trouve cependant aucun indice. Seul la belle Karen le croit et l’aide dans son enquête. Mais Richard est envoyé en centre de redressement. Il s’évade grâce à l’aide de jumeaux bizarres et se retrouve entraîné vers un manoir maléfique… du bel ouvrage pour l’auteur Richard Elauved, de retour dans sa ville natale pour revoir ses anciens camarades, dont Tom et Karen, pour laquelle il a toujours un faible. Mais la réalité se dérobe bientôt sous les pieds de Richard, victime de schizophrénie et reclus dans un asile…

Entre exercice de style et odyssée dans la folie

Le téléphone carnivore est un roman du dévoilement. On commence dans une atmosphère typique d’un slasher d’horreur, avec ce téléphone qui bouffe les ados et les jeunes Richard et Karen aussi typiques du genre. Puis on bascule progressivement vers autre chose, avec le personnage de Richard comme guide, visiblement victime d’un trauma qui l’a conduit à l’asile (on finit par penser à Shutter Island de Lehane). Je vous laisse découvrir. Nesbo se sort en tout cas très bien de l’exercice qui offre différents niveaux de lecture, sans compter le twist final. Beaucoup adoreront ce roman, pour de bonnes raisons.

Sylvain Bonnet

Jo Nesbo, Le téléphone carnivore, traduit du norvégien par Céline Romand-Monnier, Gallimard « Série noire », septembre 2024, 288 pages, 19 euros

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