Les Esseulées, des femmes et de la vie

Auteur de La ballade de Black Tom (Le Bélial, 2019), réponse à la nouvelle Horreur à Red Hook de Lovecraft, Victor LaValle est pour l’instant peu connu dans nos belles contrées francophones. Notons que son roman Big Machine a obtenu le prix Shirley Jackson en 2009 et que Le Changelin a obtenu le prix Locus du meilleur roman d’horreur en 2019 : il sera d’ailleurs bientôt publié par les nouvelles éditions ActuSF. Ici, c’est Actes sud qui publie Les esseulées dans sa collection « exofictions ».

Le secret d’une femme

« Il existe deux sortes de personnes au monde : celles qui vivent dans la honte et celles qui en meurent. Mardi encore, Adelaide Henry aurait cru faire partie des premières, mais après mercredi, elle n’en était plus aussi sûre. Si elle essayait de survivre, pourquoi se mettrait-elle en tête de traverser la ferme familiale un bocal d’essence à la main, de verser l’essence sur le sol de la cuisine, sur la table de la salle à manger, sur le canapé du salon ? »

Adelaide Henry est une jeune femme noire qui met le feu à la maison familiale, brûlant ainsi le corps de ses parents. Les a-t-elle tués ? Elle décide de partir vers la Californie, avec sa grosse malle qu’elle n’ouvre jamais. Là-bas, elle survit tant bien que mal avant de décider de partir vers le Montana et d’avoir son propre lopin de terre. Elle se fait même une amie dans la personne de Grace. Mais elle est avant tout une femme, seule, dans un monde d’hommes, une proie pour certains. Mais sa malle cache quelque chose, une créature qui sème la mort une fois libérée. Qui est-elle ? Quel est son lien avec Adelaide ?

Un roman sur la survie

Les Esseulées surprend. L’élément fantastique tout d’abord ne s’installe vraiment que vers la fin du premier tiers, laissant au début toute sa place au personnage d’Adelaide et à son histoire, sa vision du monde aussi. C’est aussi un roman où des femmes sont les personnages principaux, un hymne à la sororité, comme le veut une certaine mode. C’est aussi plutôt bien écrit, avec un sujet qui est au fond très simple : comment survivre avec un passé qu’on veut expier ? Comment vivre avec la culpabilité ? Victor LaValle réussit donc à nous surprendre et à nous questionner. C’est beaucoup.

Sylvain Bonnet

Victor LaValle, Les Esseulées, traduit de l’anglais par Stéphane Vanderhaeghe, Actes sud « exofictions », juin 2024, 377 pages, 23,50 euros

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