L’Automate de Nuremberg, l’homme face à ses créations

Voilà la réédition de L’Automate de Nuremberg, une novella autrefois publié chez Gallimard de Thomas Day, auteur notamment de Sept secondes pour devenir un aigle (Le Bélial, 2013) et de Dragon (Le Bélial, 2016). Ce récit trouve donc place dans la prestigieuse collection « une heure lumière » et marie uchronie et fantastique avec un zeste de SF rétro comme on va le voir.

A la recherche du père

« L’esprit n’est ni solide ni liquide, c’est un éther qui peut, sans doute, passer de corps en corps s’il a été créé hors de toute chair, ce qui est mon cas. Depuis que Kaspar est parti, les seuls corps et esprit que je côtoie ici, sous terre, sont ceux du père. »

Nous sommes en Europe en 1824. Le tsar signe un traité de paix avec Napoléon à Nijni après sa défaite face à Napoléon et la prise de Moscou. Il en profite pour libérer Melchior Hauser, un automate capable de jouer aux échecs et qui garde en mémoire dans des cylindres des mots, des images, des concepts. Le tsar lui donne un garde du corps dans la personne d’Igor, un homme malade d’avoir perdu sa femme. Melchior veut revenir à Nuremberg en Allemagne pour retrouver son père Viktor et lui poser une question : a-t-il une âme ?  Mais il découvre que Viktor Hauser est mort, assassiné. Melchior hérite de ses connaissances et part en Angleterre faire fortune. Il s’inquiète du destin de son frère Kaspar, parti de chez Viktor à l’âge de quatre ans. Melchior ne sait pas qu’une autre création/invention de son père/créateur hante l’Europe. Leur rencontre est inévitable…

Un récit uchronique fascinant

L’Automate de Nuremberg constitue un tour de force plutôt enthousiasmant, avec deux narrateurs et deux histoires vouées à se croiser, dans une Europe où Napoléon a gagné (un paradis donc) et où surtout cet automate cherche un sens à sa vie. C’est un frère caché de Kaspar Hauser, orphelin célèbre assassiné mystérieusement… Mais Thomas Day désigne ici l’identité de l’assassin (je ne spoilerai pas, c’est surprenant hein). Le personnage de l’automate séduit, création de l’homme à la recherche d’une âme dont il est dépourvu (mais qu’est-ce que l’âme ? Vous avez quatre heures). En tout cas, ce récit est une vraie réussite qu’on peut lire et relire (je l’ai fait) avec plaisir.

Sylvain Bonnet

Thomas Day, L’Automate de Nuremberg, illustration de couverture d’Aurélien Police, Le Bélial « une heure-lumière », août 2024, 128 pages, 10,90 euros

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