« Journées perdues », apologie du farniente
Quoi de mieux qu’un livre s’intitulant Journées perdues pour une première recension d’un chroniqueur paresseux, pour ne pas dit carrément j’enfoutre ? (1) Rien je l’avoue. Et si en plus ce livre est écrit par Frédéric Schiffter, philosophe balnéaire par excellence, on touche au sublime.
Putain que j’ai aimé me plonger dans ce livre qui répondait enfin à ce besoin de laissé aller, laissé filer, que j’éprouve depuis un certain temps.
Merci à l’auteur de nous rappeler que la richesse est aussi et surtout dans le fait de prendre son temps, de perdre son temps. Frédéric Shiffter démontre de manière intelligente que le bonheur c’est ne rien faire et qu’au fond l’important n’est pas toujours dans les choses que l’on croit essentielle.
l’art du farniente
Entre siestes, balades au soleil, terrasses entre amis, bord de mer et écriture, l’auteur nous fait vivre son quotidien entre Guéthary, Biarritz et Paris. Des journées où l’on croise les amis, Beigbeder, Jean Le Gall (génial éditeur de chez Séguier, et bien d’autres…). Et un court passage sur un de ces séjours à Paris pour la remise du Prix rive gauche à Paris, passage qui me tient tout particulièrement à cœur (ceux qui me connaissent savoir pourquoi ; pour les autres, sachez que je suis membre du jury de ce prix).
Dans ce journal, on sent aussi beaucoup de fatigue et de lassitude face au monde qui nous entoure. Là ou tout va de plus en plus vite, ou le temps est devenu une denrée rare, presque un Graal inaccessible, l’auteur nous donne une autre vision, sa vision de la vie. Vision que certain qualifieront de réactionnaire car même s’il ne le dit pas, on sent bien que l’auteur fait partie de ceux (et j’en fais partie) qui trouvent que c’était mieux avant.
Mais j’arrête là, car de ce livre c’est l’auteur qui en parle le mieux :
Pour évoquer mon ennui, le mieux est de rendre compte de mes journées vouées à regarder passer le temps. L’homme affairé tient un agenda, l’homme sans horaire son journal intime. Le premier note ses rendez-vous avec les autres, le second consigne ses réunions avec lui-même. Deux ans vécus à Biarritz, ville de tous mes excès casaniers. Des jours qui se sont succédé entre flâneries, lectures, griffonnages et siestes. Des nuits à faire les cent pas dans mon crâne en attente de l’aurore. Des heures qui ont tourné sans déformer la mollesse de leur cadran. En écrivant ces pages, j’ai trompé mon ennui sans lui être infidèle. Pour l’amateur de moments perdus qui les feuillettera, j’espère qu’il en sera de même. »
Surtout, Frédéric, pas question de tenir votre promesse. En 2018 continuez à perdre vos journées si c’est dans l’écriture.
Erik Neirynck
Frederic Schiffter, Journées perdues, Editions Seguier, « l’indéfinie », octobre 2017, 21 euros
(1) Nous laissons Eric libre de s’auto-flagéler, si tel est son bon plaisir. NDLR.