Mémoires de David Niven

Il y a de cela fort, fort, fort longtemps, le premier livre de cinéma que j’ai acheté était l’autobiographie de David Niven, Décrocher la lune, qui paraissait chez Robert Laffont. La couverture – avec une mauvaise photo tirée du Tour du monde en 80 jours – n’était pourtant pas aguichante mais j’appréciais beaucoup Niven dont le flegme, l’élégance, l’humour et la décontraction m’ont toujours paru supérieurs à ceux du surfait Cary Grant.

À peine de retour chez moi, j’ai dévoré ce livre. 

Je l’ai adoré de la première à la dernière page. Non seulement le parcours de Niven était incroyable mais sa façon de raconter, sans jamais se prendre au sérieux, me parut tout à fait plaisante. Aujourd’hui encore, je considère qu’il s’agit d’une des meilleures autobios jamais écrites. Par la suite, j’ai aimé celles de Peter Ustinov ou les entretiens de Billy Wilder ou la confession très acide de George Sanders, mais jamais je n’ai retrouvé un plaisir identique à celui procuré par ce Décrocher la lune.

Quelques années plus tard, Niven et les éditions Robert Laffont proposèrent Etoiles filantes dans lequel l’acteur raconte certaines de ses rencontres avec les gens d’Hollywood et dévoile de nouvelles anecdotes. La décontraction y est toujours de mise et même si l’ensemble est d’une qualité légèrement inférieure au précédent ouvrage, sa lecture provoque un indéniable plaisir.

un bel et copieux ouvrage

Aujourd’hui, les éditions Séguier ont la géniale idée de réunir ces deux ouvrages en un même volume. Forcément copieux puisqu’il compte 953 pages ! 

J’avoue n’avoir pas tout relu pour écrire cette critique mais m’être amusé à picorer de ci de là, au hasard des pages. Plusieurs décennies après ma première lecture, j’y ai retrouvé cette légèreté qui m’avait tant séduit. L’efficacité du propos est intacte, et la volupté de le redécouvrir aussi. 

En relisant ces pages, je me suis demandé si lire David Niven ne m’avait pas poussé à écrire à mon tour des biographies (pour l’autobio, ce sera dans un autre siècle !). La réponse est évidente. Si ses textes avaient été mièvres ou sans intérêt (comme j’en ai lu des dizaines par la suite), je serai sans doute passé à autre chose. Il m’a donné le goût et l’envie d’écrire sur et autour du cinéma. J’ai conscience de ne m’être jamais hissé à son niveau (non, je ne joue pas les Calimero) mais, au fond de moi, j’ai toujours conservé ses ouvrages comme des lignes de mire dont il ne fallait pas dévier. 

Il m’est donc facile de conseiller à tous ceux qui s’intéressent de près ou de loin à David Niven de se précipiter sur ce désormais gros volume. Idem pour tous les amateurs de vraie biographie. Car David n’a pas fait que du cinéma, il a aussi fait la guerre et il la raconte en toute modestie. Quant à son parcours d’acteur, il a véritablement débuté en bas de l’échelle. 

Depuis quelques années des bruits ont couru que tout ce qu’a raconté Niven n’était pas 100 % authentique. Et des « spécialistes » se sont empressés de rédiger des bios « complètes ». Même si elles sont dans ma bibliothèque, je ne les ai pas lues… et je ne compte pas les lire ! De plus – quitte à froisser l’historien de cinéma qui est en moi – je me contrefiche de savoir si tout est vrai ou pas (ne nous leurrons pas : il n’existe AUCUNE bio ou autobio 100 % authentique !). Pour moi, seuls comptent le plaisir de la lecture et la joie d’être transporté dans un autre monde, celui qu’a traversé David Niven jusqu’à atteindre les sommets.

38 ans après sa mort, le souvenir de Niven s’est un peu estompé. Qui pourrait citer au débotté 5 films auxquels il a participé ? Mais si les images sombrent dans la grisaille, ses écrits restent. Désormais ils sont de retour. Peut-être qu’un nouveau lecteur en les découvrant sera à son tour pris par l’envie de raconter des histoires de gens de cinéma. On en reparle dans 45 ans…

Philippe Durant

David Niven, Mémoires (contient Décrocher la lune et Etoiles filantes), traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Simone Hilling et Rosine Fitzgerald, Séguier, juin 2021, 953 pages, 24,90 eur

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