Ravenne, capitale de l’Empire et creuset de l’Europe
Professeure émérite au King’s College de Londres, Judith Herrin est une spécialiste de l’histoire byzantine pratiquement inconnue en France. Cet ouvrage sur la ville de Ravenne, paru l’année dernière chez Passés composés, est en tout cas remarquable et on va expliquer pourquoi.
Une ville impériale

Rien ne destinait au départ la ville de Ravenne à devenir une résidence impériale (Rome ne l’est plus depuis longtemps) comparé à Arles, Trèves et bien sûr Constantinople. C’est sa situation géographique qui a amené le faible Honorius à suivre le conseil de Stilicon à la choisir : un siège était en effet difficile. Et c’est donc au Ve siècle que Ravenne entre dans l’histoire, au moment où l’Empire romain d’occident connaît des jours difficiles à compter de la prise de Rome en 410 et surtout de la perte de l’Afrique, grenier à blé. Pour autant, Ravenne bénéficie des largesses impériales, on y construit des palais et des églises, sous l’impulsion de la princesse Galla Placidia et de son fils Valentinien III. La fin de l’Empire et l’ascension des ostrogoths, des hérétiques ariens, et de leur chef Théodoric enrichissent la catholique Ravenne, toujours bien dotée.
Un carrefour européen
Les Byzantins réussissent à reconquérir l’Italie sur les ostrogoths à l’issue d’une guerre d’une vingtaine d’années qui dévaste la péninsule. Ravenne échappe aux destructions et devient le siège d’un exarchat, où les pouvoirs militaires et civils sont concentrés dans les mains d’un seul fonctionnaire, représentant de l’Empereur résidant à Constantinople. Si la vie urbaine s’étiole, c’est aussi le moment de la construction de l’église Saint-Vital et de ses mosaïques représentant Justinien et sa cour. L’exarchat survit face à l’invasion lombarde jusqu’en 752… la ville passe ensuite sous la coupe des francs de Charlemagne, prompt à imiter Rome. Ravenne, sans tomber en ruines, sort peu à peu de l’histoire. Son patrimoine architectural, entre Rome et Byzance, entre orient et occident, reste en tout cas unique et précieux pour tout curieux.
Ravenne capitale de l’Empire, creuset de l’Europe est un livre splendide à mettre dans les mains de tout amateur d’histoire antique ou médiévale (on est dans l’antiquité tardive chère à Peter Brown).
Sylvain Bonnet
Judith Herrin, Ravenne capitale de l’Empire, creuset de l’Europe, traduit de l’anglais par Martine Devillers-Argouarc’h, Passés composés, août 2023, 432 pages, 27 euros