La face cachée de Ruth Malone

Passionnée par les true crimes, Emma Flint propose avec La Face cachée de Ruth Malone une fiction policière qui est avant tout une réflection sur l’apparence et la psychologie de ceux qui s’exposent pour mieux se cacher.

 

 

Ruth Malone est un personnage détestable. Elle porte les stigmates de ses multiples apparences provocantes, mais n’est-ce pas plutôt une carapace qu’elle revêt pour se protéger du monde ? Mère célibataire, elle  élève seule et avec difficulté ses deux enfants, Franckie et Cindy. Quand l’un après l’autre ils sont retrouvés morts, tout le monde penche pour un infanticide car Ruth Malone ne semble pas affecté comme elle devrait l’être et poursuit sa vie d’apparat.

L’enquête est l’occasion d’entrer dans la vie des Malone, et de l’entourage, et de comprendre pourquoi Ruth se cache en voulant tant se montrer, quelle femme véritable se protège sous les fards, l’ostentation et l’outrance ?

Le livre est rythmé par des témoignages, ce qui est très intéressant dans le développement, notamment pour le traitement du fond social où passent les problèmes de la précarité, la prostitution, l’alcoolisme… en vérité l’époque — les années 60 — n’était pas encore aux femmes libérées, et le babyblues phénomène courant chez les femmes, mais que la « honte » oblige à « étouffer ». Comme si le fait de demander de l’aide faisait des femmes des personnes vulnérables…

Lire La Face cachée de Ruth Malone en la période actuelle dénonciation du harcèlement est idéale. Combien de personnes « harcelées, dénigrées, rabaissées » à cause de l’image d’elles-mêmes qu’elles donnent à des d’individus qui se sentent forts en groupe ? Etre une personne authentique et sincère est ce qui dérange le plus. Même si sa sincérité déplaît aux autres. Et c’est ça le point central du roman : Ruth Malone s’assume totalement, au mépris des mégères du voisinage, adorables en apparence mais méprisables dès que l’on creuse un peu.

 

Elle était la personne qu’elle avait toujours été. Rien de ce qu’ils lui feraient ne pourrait changer cela. »

 

La Face cachée de Ruth Malone nous permet de ne pas oublier le calvaire de milliers de femmes « fortes » qui doivent garder la tête haute face aux nombreuses épreuves de la vie. Un bon roman, mais les longueurs et les répétitions le prive d’oxygène, et même si les sujets abordés sont très bien choisis, c’est avec impatience qu’on attend la fin.

 

Charlène Joubert 

 

Emma Flint, La Face cachée de Ruth Malone, traduit de l’anglais par Hélène Amalric, 10/18, octobre 2018, 432 pages 8,40, euros

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