Le Gambit du renard, partie d’échecs cosmiques

Un nouveau talent ?

 

Encore inconnu par chez nous, Yoon Ha Lee est une écrivaine américaine d’origine coréenne. Après une enfance au Texas, elle a publié des nouvelles dès 2011, certaines rassemblées dans le recueil Conservation of shadows. Le Gambit du renard est sorti en 2016 chez Solaris books et constitue le premier volume d’une trilogie intitulée The machineries of Empire, qui a de surcroit reçu le prix Locus du meilleur premier roman. Pas mal pour un début de carrière !

 

Un défi monstrueux

 

Kel Cheris est capitaine de l’Hexarcat et commet une erreur : elle utilise sur le monde saupoudré des armes non conventionnelles. Tombée en disgrâce, Cheris se morfond… Jusqu’au moment où on décide de la nommer général à titre temporaire et de lui confier comme mission de mater la rébellion dans la forteresse des Aiguilles diffuses. Seulement, on donne à son esprit un hôte, le général Shuos Jedao, stratège de génie mais responsable d’un omnicide qui causé la mort de centaines de milliers de personnes :

 

Lorsqu’elle parlait, contrairement à ses pensées, c’était avec sa propre voix, et son corps aussi était le sien, ce qui était cohérent. / Il y eut un moment de silence. « Je ne peux pas lire vos pensées, reprit la voix. Je peux vous entendre si vous parlez, et nous pouvons également communiquer en mode subvocal. Voulez que je continue ou préférez-vous vous repérer seule ? / Cheris fut perturbée qu’il lui laisse le choix. »

 

Voilà Kel Cheris en route avec un essaim de vaisseaux nommés des phalènes avec comme mission de soumettre des rebelles. Mais plus la mission se passe, plus les difficultés s’accumulent. Elle doit lutter pour s’imposer à un état-major réticent, Jedao l’y aide. Elle doit aussi faire face aux hérétiques de la forteresse des Aiguilles diffuses, adeptes d’une hérésie calendaire qui modifie les lois spatiales. Et Cheris se méfie de Jedao : n’est-il pas un fou criminel ?

 

Du space opera de très haute qualité

 

Le Gambit du renard envoûte très vite le lecteur. D’abord, on a affaire ici à deux personnages principaux, Cheris et Jedao, une femme et un homme, liés dans une forme de symbiose qui évoque parfois la possession. Ensuite, on se rend vite compte que l’Hexarcat n’est pas sans tâches dans cette histoire : qu’est-ce qui a mené Jedao à provoquer un omnicide -un génocide soyons clairs- alors qu’il bénéficiait de la confiance de ses chefs ? Et que veulent-ils obtenir face à cette rébellion ? C’est aussi un roman d’initiation, celle de Cheris, une ingénue qui découvre progressivement le monde très compliqué de l’Hexarcat. Pour un premier roman, c’est réussi. Il faudra voir ensuite ce que Yoon Ha Lee dans les volumes suivants. En tout cas, Le Gambit du renard mérite qu’on lui donne sa chance.

 

 

Sylvain Bonnet

 

Yoon Ha Lee, Le Gambit du renard, couverture de Chris Moore, traduit de l’anglais (États-Unis) par Sébastien Raizer, Denoël, « Lunes d’encre », novembre 2018, 384 pages, 23 euros

Laisser un commentaire

%d blogueurs aiment cette page :