« La Fin des idoles » de Nicolas Gaudemet

Avec La Fin des idoles, Nicolas Gaudemet nous propose d’ausculter et de disséquer notre époque dans ce qu’elle a de moins reluisant. Depuis la première émission de télé-réalité diffusée sur les écrans tricolores en avril 2001, Loft Story première saison pour ne pas la citer, jamais le désir de célébrité (vite et bien mal acquise) auprès de la jeunesse occidentale n’a été aussi fort. A travers des personnages archétypaux qui évoluent dans le PAF où la sacro-sainte audience prime sur toute contingence éthique, on y découvrira une galerie de personnages évoluant dans les arcanes du monde télévisuel.

 

Gloire au Père Ubu

Dans notre société endoctrinée par l’outil à décerveler (1) qu’est la télévision, on rencontrera entre autres une starlette de la télé-réalité prête à tout pour accéder à la gloire, des addicts aux réseaux sociaux, des requins de l’audimat ne s’embarrassant pas de principaux moraux pour gagner quelques parts de marché, des psychiatres aux allures d’apprentis sorciers ou enclins au charlatanisme expérimentant à grande échelle leurs trouvailles sur le cortex…

Dans un monde où règnent l’indécence médiatique, l’endoctrinement télévisuel, l’avilissement théâtralisé, l’assujettissement psychologique, le désœuvrement existentiel, et dans lesquels prospèrent les imbéciles utiles d’un système crétinisant, Nicolas Gaudemet se livre à un exercice de fiction qui se veut être une diatribe plus vraie que nature de notre époque. Prenant à contre-pieds les lieux communs et déroulant sa trame romanesque à partir d’une émission de télé-réalité imaginée par une psy (ancienne mannequin) censée guérir de l’obsession de célébrité, c’est l’occasion pour le lecteur d’effectuer une plongée sans complaisance dans les soubassements de notre société occidentale et d’être confronté à ses dérives à destination des masses moutonnières.

Mélangeant personnages de fiction tout autant que réels issus des médias ou du monde culturel, l’auteur se délecte à structurer ce roman sociologique comme un rapport sans appel de l’état de délabrement spirituel de notre société en perte de repères et de sens. Que l’on ne s’étonne donc pas que l’auteur nous emmène petit à petit du petit écran vers des réflexions religieuses, notamment à travers ses « mentaliens » aux dérives sectaires expérimentant des neurostimulateurs cérébraux où rôde le spectre de l’homme nouveau et augmenté.

Avec ce roman qui traite des grands marqueurs de notre siècle naissant et de l’emprise des médias sur le citoyen, Nicolas Gaudemet s’inscrit d’emblée parmi ces romanciers contemporains non nombrilistes qui prennent pour matériau notre quotidien et interrogent le devenir de l’homme dans un monde en mutation dont personne ne connait l’issue finale…

 

Romain Grieco

 

Nicolas Gaudemet, La Fin des idoles, Tohubohu, mars 2018, 368 pages, 19 euros

 

(1) C’est une invention du Père Ubu, d’Alfred Jarry, que cette machine a décerveler, avant que Patrick Le Lay n’en fasse l’apanage de la télévision, rappelant que son travail comme président-directeur général de TF1 était de vendre aux annonceurs du « temps de cerveau humain disponible », donc bien abruti par ses programmes pour être captifs des publicités…

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